Edith Brou, la geekette ivoirienne
Surnommée « la geekette ivoirienne », Edith Brou est régulièrement classée parmi les 50 personnalités les plus influentes en Côte d’Ivoire par Jeune Afrique. Selon Edith, « tout ce qui ne se partage pas se perd ». Pionnière dans le blogging et le community management en Afrique, Edith Brou est devenue une référence lorsqu’on parle de tech en Côte d’Ivoire. Une serial entrepreneuse web qui n’en finit pas de se réinventer !
Côte d'Ivoire
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Créer son propre métier
J’ai une enfance des plus normales dans une famille modeste et très simple. J’ai 5 grandes sœurs et un petit frère. J’ai fait mes études au lycée d’excellence à Cocody. Suite à quoi, je me suis orientée vers l’université publique des sciences économiques de Cocody. Déjà petite, j’adorais la science-fiction et les nouvelles technologies. J’étais une grande fan de Star Wars et Stargate. J’étais très rêveuse. Je m’imaginais travailler dans le monde de la publicité. Malheureusement, l’université de publicité étant privée, mes parents ne pouvaient pas me l’offrir. J’ai donc fait deux années de sciences économiques dans une université publique. Ça ne me plaisait vraiment pas.
L’une de mes sœurs est pionnière dans l’audiovisuel en Côte d’Ivoire et j’ai eu la chance de faire mon premier stage dans son agence. J’étais chargée de vérifier les scripts, de préparer les plateaux de tournage, etc. J’ai adoré découvrir ce monde. Dès ma deuxième année de faculté, j’ai ressenti le besoin de façonner mon propre chemin. J’ai donc décidé de quitter la faculté et j’ai commencé à travailler pour ma sœur. Elle m’a plongée dans le bain de la communication audiovisuelle et j’ai ainsi découvert que j’étais douée dans le secteur de la communication. J’étais très timide et ce premier emploi m’a permis de m’ouvrir. Ma sœur est l’un de mes modèles, elle a joué un grand rôle dans mes prises de décisions.
La production audiovisuelle était mon premier amour mais celui pour le digital a vite pris le dessus. Mon beau-frère avait une agence de communication et je suis allée travailler pour lui alors que je n’avais que 22 ans. D’un seul coup, j’ai eu de grandes responsabilités. J’étais en charge d’une force de vente composée uniquement d’hommes, pères de famille. J’étais responsable clientèle pour Orange, c’est la première fois que je me confrontais au numérique.
Internet fait son apparition en Côte d’Ivoire et je le découvre à l’Institut français d’Abidjan. De fil en aiguille, j’ai mêlé digital et communication. J’ai découvert les blogs avec les stars montantes européennes et j’ai réalisé que c’est un métier dont on pouvait vivre. En 2007, Facebook est né. Quand j’ai commencé à bloguer sur l’actualité web en Côte d’Ivoire, j’étais la première femme à m’emparer de ce monde. C’était très novateur en Côte d’Ivoire. J’ai commencé à aller à tous les événements qui parlaient de tech, à me renseigner sur toutes les nouveautés. Je suis devenue incontournable dans le secteur. On peut dire que j’ai créé mon métier : community manager et blogueuse.
Grâce à mon blog, je n’ai jamais déposé de CV. J’ai été débauchée comme Community Manager et chargée web d’AOS, l’une des plus grosses agences de publicité ivoirienne. J’ai ensuite été débauchée par People Input, une agence de communication digitale sénégalaise qui souhaitait créer une succursale en Côte d’Ivoire. J’ai créé l’agence ivoirienne de A à Z. Nous avons notamment géré les réseaux sociaux d’Orange Côte d’Ivoire, désormais l’une des pages Facebook les plus suivies dans le secteur des télécommunications. J’ai formé une grande partie des Community Managers reconnus aujourd’hui.
L’entrepreneuriat web
J’aime me réinventer et aller là où les autres ne vont pas. En 2009, j’ai co-fondé l’association Akendewa avec neuf amis passionnés de tech avec comme objectif la promotion des bons usages d’Internet en Côte d’Ivoire et plus largement en Afrique. J’étais secrétaire générale et je m’occupais aussi de la gestion de nos réseaux sociaux. Comme j’étais la seule femme de l’équipe, mes coéquipiers m’ont beaucoup mis en lumière : ils me laissaient leur place aux conférences, ils m’épaulaient beaucoup et me laisser prendre la parole.
En 2011, j’ai co-crée Ayana, le premier webzine féminin de Côte d’Ivoire. Nous avons lancé l’événement Super Women qui a lieu tous les ans. Désormais, j’ai laissé la gestion du webzine à ma co-fondatrice.
Aujourd’hui, je suis à la tête de ma propre entreprise de communication digitale, Africa Contents Group. Notre cœur de métier est la gestion de réseaux sociaux. On travaille beaucoup avec le secteur des télécommunications, de l’agroalimentaire et avec la Banque Mondiale.
Je réalise aujourd’hui mes propres productions comme l’émission web « Divan numérique » sur Youtube. J’invite une personnalité pour l’interroger sur son rapport au digital. Je suis l’une des premières à avoir développer du contenu vidéo.
En étant à la tête de ma propre entreprise, je suis plus à même de m’organiser comme bon me semble. J’ai deux garçons et je peux maintenant m’organiser pour les emmener à l’école et passer davantage de temps avec eux. Je suis capable de gérer mon bureau à partir de mon téléphone, c’est moins de stress.
L’activisme web
J’ai compris que j’avais une grande responsabilité en tant qu’influenceuse web. En 2014, j’ai donné une dimension nouvelle à mon rôle de bloggeuse en devant activiste web. En août 2014, j’ai repris l’idée du « Ice Bucket Challenge » pour lancer la campagne « Mousser contre Ebola » pour sensibiliser contre l’épidémie d’Ebola. En juin 2014, alors que la Côte d’Ivoire devait faire face à d’importantes inondations, je me suis mobilisée en relayant des informations sur les zones à risque grâce à l’hashtag #CIVsocial. Je ne m’y attendais pas mais cela m’a aussi donné une grande visibilité dans les médias.
L’importance du réseau
Ce qui a participé à mon succès, c’est mon réseau. Ayant commencé dès les débuts d’Internet en Côte d’Ivoire, je connais le passif de nombreuses startups. C’est une des raisons pour lesquelles je suis souvent sollicitée. Pour avoir un bon réseau, il faut savoir se rendre disponible. A mes débuts, je n’ai pas hésité à donner de mon temps gratuitement pour participer à des conférences, me faire connaître. C’est aussi une petite gestion : personnellement, j’ai une base de contacts que je mets régulièrement à jour. C’est un réseau que je n’hésite pas à mettre à disposition. J’ai d’ailleurs créé 50 visages de l’IvoireTech, une plateforme recensant les acteurs de la tech en Côte d’Ivoire. On me prend souvent pour un annuaire vivant ! Je suis un peu comme Nokia, « connecting people ».
Et pour la suite ?
Plus tard, j’aimerais devenir business angel. Grâce à la tech et au digital, je suis très transversale et j’ai acquis de la connaissance dans des secteurs variés. J’ai développé une grande faculté à repérer des startups pépites, notamment en arborant le rôle de jury lors de nombreuses compétitions entrepreneuriales.
Mon petit regret est de n’avoir jamais appris à coder. Un de mes rêves déchu aurait été de devenir une hacker éthique, travailler dans la cyber-sécurité. Peut-être que je m’y attèlerais un jour…