Neusa Marcelino, naviguer dans le secteur maritime lorsque l’on est une femme

Maersk, Safmarine, CMA-CGM : les grands noms du transport maritime figurent tous sur le CV de Neusa Marcelino. En passant de commerciale en graduate program chez Maersk puis à la direction commerciale et expérience client chez Safmarine, elle est désormais directrice de la région de Zambézie (Mozambique, Zambie, Malawi et Zimbabwe) pour CMA-CGM, leader mondial en transport maritime, avec plus de 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Pour grimper les échelons, il lui a fallu surmonter le fait d’être jeune et d’être une femme, montrer ce qu’elle pouvait apporter à l’industrie. Elle a fait des choix contre-intuitifs, prête à accepter des emplois moins prestigieux pour se former techniquement. Car sa stratégie est simple : son degré de compétences est son meilleur atout pour s’imposer dans le secteur, et allier compétences techniques et connaissances commerciales la rendrait indispensable.

Mozambique

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Du défi d’être une femme en transport

J’ai fait des études d’économie et de gestion, j’étais passionnée par le domaine. En entrant à l’université, je voulais travailler dans des ONG de développement communautaire, ou de développement économique au Mozambique.

Vers la fin de mes études, j’ai été approchée par la société danoise Maersk, première compagnie maritime au monde, qui était à la recherche de candidats pour leur Graduate Program sur deux ans. Ce n’était pas forcément un secteur qui m’attirait, mais j’ai accepté pour pouvoir me former. Au bout de 9 mois pourtant, j’étais addicte : c’est un milieu où l’on apprend tous les jours (encore maintenant, après 14 ans de métier, je découvre de nouvelles choses quotidiennement).

Malgré tout, le domaine maritime est un environnement très masculin, et les débuts n’ont pas été faciles. J’étais jeune, j’avais 22 ans, et j’étais une femme. On ne me prenait pas au sérieux. J’ai dû travailler sur mon apparence, changer ma coiffure, mon style, mon maquillage, pour avoir l’air plus âgée. J’ai aussi appris à séparer catégoriquement mes différents cercles (travail, famille, amis) pour éviter tout quiproquo. Et j’ai surtout montré ma détermination à apprendre et à m’imposer pour gagner le respect de mes collègues.

Devenir manager quand on est une femme, ça reste un défi. Il ne faut pas tomber dans le piège de l’excès d’empathie et de compréhension qu’on attend d’une femme manager : il faut être suffisamment forte pour être à l’écoute de ses employés tout en indiquant clairement qu’on ne s’accommodera pas de leurs doléances. En tant que femmes, nous devons faire dix fois plus et dix fois mieux que les hommes, car on nous attend au tournant : on s’attend à ce qu’on échoue. Mais cette situation peut devenir a contrario un avantage non-négligeable : on va présumer que notre contribution sera minime, on a donc l’avantage de l’effet de surprise pour exceller rapidement.

Oser prendre des décisions contre-intuitives

J’ai donc commencé en tant que commerciale, et j’ai rapidement grimpé les échelons jusqu’à devenir Directrice d’un programme en interne. A ce moment-là, j’ai pris une décision contre-intuitive : j’ai postulé chez Safmarine, entreprise de transport maritime d’origine sud-africaine, pour un poste moins important. Personne ne comprenait pourquoi. Pourtant, ma stratégie était très claire : je ne voulais pas monter les échelons mais apprendre plus. J’avais déjà un bagage conséquent au niveau commercial, mais je voulais en savoir plus sur les aspects techniques du métier : que se passe-t-il après la validation d’un devis ? Comment fait-on des commandes ? Comment planifie-t-on le chargement d’un navire ? En combinant mes connaissances commerciales et techniques, j’aurais des atouts bien plus importants pour me différencier dans le secteur. Au bout de deux ans chez Safmarine, j’étais promue au poste de Directrice Commerciale et de l’Expérience Client.  

Ma stratégie a payé : je suis retournée chez Maersk en tant que Directrice de branche pour Maputo. Etant une femme et étant jeune, le meilleur levier que je puisse avoir c’est mon degré de compétences, ce que je suis capable d’apporter à l’entreprise : en ayant les compétences techniques et une connaissance profonde du secteur et de l’industrie, je devenais indispensable.

Après 9 ans chez Maersk et Safmarine, j’ai été recrutée par l’entreprise française CMA-CGM, leader mondial en transport maritime avec plus de 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Il était temps pour moi de changer d’environnement : la société était plus jeune, en cours de structuration. Le groupe a plus de 100 000 employés, 400 agences. J’ai été recrutée pour être à la tête de l’agence de la région Zambézie, qui comprend le Mozambique, le Malawi, la Zambie et le Zimbabwe, en plein boom grâce aux investissements faits par le gouvernement dans les infrastructures des pays.  

Pour la suite, j’aimerais travailler au niveau régional. CMA se découpe en quartiers généraux, bureaux régionaux et agences-pays. J’ai déjà la perspective agence, mais j’aimerais en savoir plus sur le fonctionnement des bureaux régionaux, pour ensuite pouvoir prendre la direction d’une agence plus importante. J’aime beaucoup le travail en agence, on est au centre de toutes les parties prenantes : on doit mettre en œuvre des politiques élaborées par les quartiers généraux et les bureaux régionaux, gérer les clients et les fournisseurs, les relations avec les ports… On est dans le feu de l’action.  

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