Rose Moses, ou comment dire non au charbon
Sujet sensible au Kenya : la production de charbon. Interdite par le gouvernement en 2017, elle pose le problème de ses alternatives écologiques. Rose Moses a saisi l’opportunité et a fondé Eco Makaa Solutions, qui produit des briquettes de charbon écologiques. Coup de Cœur Féminin du Total Challenge 2018, l’entreprise a conquis les kényans et réalise désormais plus de 10 millions KSH de chiffre d’affaires annuel. Comment les briquettes sont-elles produites ? Comment une femme peut-elle percer dans le secteur énergétique kényan ? Toutes les réponses dans la suite de l’article.
Kenya
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Une volonté : révolutionner le secteur énergétique kényan
Rose est originaire d’une tribu Meru, et a été élevée par une mère célibataire. Farouchement décidée à se faire un nom dans son pays et contribuer à son développement, elle trouve un premier emploi dans un cabinet de recherche énergétique. Elle arrive dans un contexte particulièrement propice : le gouvernement se concentrait sur la lutte contre la déforestation, et avait banni en conséquence la production de charbon. D’autre part, il encourageait fortement l’entreprenariat pour les jeunes.
Rose a alors entrevu une opportunité : au détour d’un article sur les pratiques énergétiques en Chine et en Inde lui apprend que l’on peut carboniser la biomasse de déchets pour les convertir en briquettes de charbon éco-responsables. Après 6 mois de recherches et l’apport de 21 000 KSH avec 2 autres associés, elle lance en août 2018 Eco Makaa Solutions (Makaa signifie en swahili « charbon »).
Eco Makaa Solutions : explications
L’entreprise a deux cœurs de métiers : elle vend des briquettes de charbon à des institutionnels (écoles et hôtels surtout) et à des particuliers. Mais son but est également de former le plus de personnes possibles à la production de briquettes : elle met donc ses machines à la vente (75 000 KSH = 650 €) et forme les acheteurs gratuitement, afin qu’ils obtiennent une source de revenus stables et qu’ils contribuent à la protection de l’environnement.
Petit brief sur la production de briquettes de charbon. Eco Makaa collecte la biomasse de déchets dans les fermes partenaires, notamment les balles de riz qu’ils jettent, puis les carbonise dans un fourneau. La poudre carbonisée est alors mélangée à de l’amidon (celui des coques de café par exemple) et de la mélasse issue de sucre de canne à l’aide de ratios minutieusement calculés par des mois de recherche. Le tout est passé à travers une machine qui compresse la pâte formée en une briquette humide. Elle sèchera 3 jours au soleil avant d’être vendue au kilo. Le consommateur n’aura plus qu’à la casser en plusieurs morceaux et la faire brûler dans un poêle. Cette solution de briquettes est bien moins chère que ses alternatives (charbon ou gaz) et est moins inconfortable (inodore et sans fumée).
Faire accepter aux kényans cette solution a été ardu : il a fallu proposer des échantillons gratuits pour leur faire tester les briquettes et construire une confiance envers la marque. Les campagnes médiatiques sur les réseaux sociaux ont également aidé, mais il a fallu être d’une persistance sans égal pour que tous les kényans sachent ce qu’est une briquette et quels sont ses avantages face au charbon classique.
Un tournant stratégique : le Total Challenge
Un tournant pour l’entreprise a également été le Total Challenge 2018 qui récompensait les meilleures startups de l’année dans le secteur énergétique en Afrique. Rose Moses s’est inscrite à la compétition au dernier moment, la découvrant deux heures avant la deadline pour les candidatures. Le destin fera le reste, puisqu’elle remportera le Prix du Coup de Cœur Féminin kényan. Enorme publicité, formations et bootcamps, financements : Eco Makaa s’envole.
Depuis, elle a parcouru beaucoup de chemin : plus de 120 machines vendues, un chiffre d’affaires annuel de 10 millions KSH (88 000 €).
Prochaines étapes ? Les demandes d’autres pays africains affluent (Nigeria, Zimbabwe, etc.), et devraient permettre à Rose et à Eco Makaa Solutions de passer à la vitesse supérieure, notamment avec une plus grande usine, un marketing plus agressif et une expansion en Afrique. De beaux jours devant Rose, donc.