Judith Owigar, le pouvoir de la tech
Lorsque l’on demande une femme dans la tech au Kenya, c’est Judith Owigar que l’on cite. Gagnante du Change Agent ABIE Award en 2011 et nominée à deux reprises Top 40 Under 40 Women in Kenya par le Business Daily, Judith bouscule l’économie informelle kenyane. Avec Juakali Workforce, elle met en relation l’offre et la demande pour aider les travailleurs informels à développer leur activité. Judith se bat pour l’insertion des femmes dans la technologie et elle a ainsi créé AkiraChix, un réseau qui offrant une formation technologique intense à des jeunes femmes de quartiers défavorisés. Conseillère pour UN Habitat, African Girls Can Code ou encore le Japan Centre for Conflict Prevention, Judith fait de la tech un véritable vecteur de développement.
Kenya
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Être une femme dans la tech
Au lycée, Judith n’aime pas vraiment les ordinateurs, trop compliqués d’utilisation. Elle ne sait pas ce qu’elle veut faire plus tard mais elle sait ce qu’elle ne veut pas faire. Elle aime les maths. Par élimination et sur les conseils de son frère, sa curiosité et son ignorance la font atterrir en Computing Science où elle apprend à coder. Dans sa classe, elles ne sont que cinq filles sur une classe de 40 étudiants. Seulement deux d’entre elles poursuivront une carrière dans la technologie.
Bien souvent, on rappelle à Judith que la tech c’est un truc de garçons. Judith se questionne beaucoup sur son orientation, se demandant si elle est bien à sa place. Ce questionnement est renforcé par le fait qu’elle ne trouve aucun modèle de femme kenyane (voire africaine) auquel s’identifier.
Pour son premier job, Judith devient développeuse dans dans une start-up qui emploie 80% de femmes. Les clients qui entrent dans les bureaux posent toujours la même question : « Qui code ici ? ». Il faut redoubler d’effort pour prouver ses capacités. Selon Judith, en tant que femme dans la tech, il faut redoubler d’efforts pour prouver ses capacités. C’est une pression supplémentaire : il faut faire ses preuves pour soi mais aussi pour toutes les autres femmes qui sont dans la tech, on n’a pas le droit à l’erreur.
La tech comme vecteur d’émancipation
Au Kenya, l’industrie de la tech se développe très rapidement offrant son lot de nouvelles opportunités professionnelles. Pourtant, Judith s’aperçoit que les femmes ne profitent pas de ces nouvelles opportunités, ces dernières ne considérant jamais la tech comme une possibilité de carrière.
Judith décide alors de créer AkiraChix (« Energic Brillant Girls »), une association offrant des formations à des jeunes femmes de quartiers défavorisés. Les jeunes femmes sont sélectionnées sur leur motivation et leur engagement et pendant un an, elles suivent une formation très intense avec des cours de code, de design graphique, de développement Android, de hardware, de robotique, etc. Ces cours techniques s’accompagnent de cours d’entrepreneuriat, de communication et d’accompagnement de carrière à travers du mentorat. Le but est de permettre à ces jeunes femmes de trouver un travail à l’issue de la formation et de leur donner les bases d’apprentissage pour qu’elles progressent d’elles-mêmes, un véritable challenge pour ces femmes qui n’ont jamais été faces à un ordinateur.
Révolutionner l’économie informelle
Au Kenya, l’économie informelle représente 45% de l’activité économique du pays. 80% des actifs travaillent de façon informelle : il s’agit du seul secteur où les emplois augmentent. En observant ce potentiel d’emplois non référencés, Judith a décidé de lancer Juakali Workforce. À travers une plateforme en ligne, elle met en relation l’offre et la demande pour aider les travailleurs qualifiés à développer leur activité.
Cette application est un moyen de pallier au manque d’emplois et permet de lutter contre la corruption en recensant les travailleurs informels et en favorisant la transparence. C’est aussi un moyen de rendre la dignité qui leur est due à ces travailleurs informels : à terme, Judith espère pouvoir offrir une couverture sociale à ces travailleurs.
La mise en place de cette application n’a pas été une mince affaire. Côté offre d’une part : par définition, le secteur informel dispose de très peu de données chiffrées et vérifiées. Côté demande aussi car bien souvent, tout le monde dispose déjà de « son travailleur informel ». Le créneau de Juakali Workforce est donc de proposer davantage d’options et des options plus fiables et qualitatives.
Après avoir auto-financé sa startup et développé le software seule, Judith emploie désormais une petite équipe qui l’accompagne sur en coding, en expérience client et en marketing. Prochainement, Judith espère étendre l’utilisation de son application au-delà de Nairobi, dans les zones rurales et éventuellement dans d’autres pays.
La tech comme outil d’impact
Au-delà de ses activités entrepreneuriales, Judith s’investit aussi pour plusieurs organisations de développement à l’instar de l’initiative African Girls Can Code qui forme des jeunes femmes africaines au code. Elle est également conseillère pour UN Habitat où elle repense la ville de demain en définissant les futures « smart cities » africaines.
Judith a aussi été ingénieure IT pour le Japan Centre for Conflict Prevention où elle a participé à la restauration de la paix en Somalie en développant notamment un système d’identification et une plateforme d’information pour aider le gouvernement à se stabiliser.
Bref, Judith fait de la tech est un véritable vecteur de développement ! « Technology as a tool of impact », telle est sa devise.