Maroc : Le B.A.-BA
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Les femmes au travers de l'histoire
Si l’on s’en tient aux vieux proverbes, le regard que la société marocaine porte sur la femme est peu enviable : la femme serait “une vipère dont la ceinture n’est autre que le diable en personne”, une femme au foyer doit être “aussi endurante à la maison qu’une ânesse”. La société marocaine est réputée peu inclusive. L’ordre patriarcal y régit les relations sociales et économiques et jusqu’à récemment, les seuls rôles que cet ordre reconnaissait aux femmes étaient ceux de mère, d’épouse et de fille.
Pourtant, c’est bien le Maroc qui a été classé premier pays dans la région MENA (Middle East North Africa) en termes de progrès d’inclusion économique des femmes par la Banque Mondiale. En effet, ces dernières années ont été marquées par de nombreuses législations en faveur des droits des femmes.
En 2004, le gouvernement a décidé d’abroger les textes les plus discriminatoires du Moudawana, le code de la famille marocain. Nouzha Skalli, la parlementaire de l’époque affirmait que "dans l’opinion, réformer la Moudawana équivalait à toucher aux textes sacrés du Coran", une petite révolution qui permet d’officialiser la fin de la tutelle patriarcale. La femme marocaine peut désormais choisir librement son époux, voyager seule, établir des contrats de partage de biens acquis durant le mariage, divorcer sans perdre la garde des enfants en cas de remariage ou encore refuser la polygamie.
Depuis 2011, la Constitution bannit toute forme de discrimination : « le Royaume du Maroc s’engage à bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque en raison de sexe ». Plusieurs conventions internationales ont aussi été ratifiées comme celles de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et du Pacte des droits économiques et sociaux. Plus récemment, la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes est également entrée en vigueur (après de longues discussions).
Malgré ces progrès importants sur le plan théorique, la réalité du terrain reste plus discutable. En effet, si l’émancipation des femmes dans les grandes villes se fait de plus en plus évidente, la tutelle patriarcale reste pourtant bien présente dans les milieux ruraux. Ainsi, la réforme qui porte l'âge légal des filles à 18 ans (alignement de l'âge du mariage des filles sur celui des garçons à 18 ans et non plus 15 ans) autorise aussi des dérogations qui sont acceptées dans 92% des cas... Le nombre de mariages de mineures a alors été multiplié par deux entre 2004 et 2013 majoritairement dans les campagnes. Dans la même veine, la hchouma, la loi silencieuse et informelle des sociétés maghrébines, impose toujours la loi du père primant sur celle de la mère et avoir un enfant en dehors du mariage reste passible d’emprisonnement.
Des femmes d'exception
Malgré cette organisation sociale restrictive, nombreux sont les exemples de femmes puissantes et influentes dans l’histoire du Maroc.
Des guerrières stratèges qui ont fondé le Maroc avec notamment la Reine berbère Dihya (703 après J.C.) lors de la conquête musulmane du Maghreb au VIIᵉ siècle qui mène si bien la résistance à l’expansion islamique en Afrique du Nord, qu’elle faillit créer un Etat-nation. Plus tard, Zainab Nafzaouia (1039-1177), reine et conseillère du roi s’est avérée être une fine stratège de la dynastie marocaine des Almoravides, ayant pris contrôle du Maghreb et d’une partie de l’Espagne. Sayyida Al Hurra (1485-1561) est pour sa part bien connue pour sa lutte contre les Portugais.
Sur le plan éducatif, on pense bien évidemment à la figure historique de la ville de Fès, Fatima Fihriya (800 après J.C.) qui a fondé l’Université d' Al Quaraouiyine à Fes, la plus vieille au monde.
Parmi les femmes qui ont contribué à l’édification du Maroc moderne, Malika al-Fassi (1919-2007) est l’une des figures marquantes du mouvement de libération nationale. Elle est d’ailleurs l’unique femme à avoir signé le traité d’indépendance du Maroc en 1944.
Plus tard, les années 60 sont marquées par l’émergence de mouvements sociaux, féministes et populaires et de nombreuses femmes oeuvrent pour une révolution socialiste du Maroc, à l’instar de Saïda Menebhi (1952-1977) qui a payé de sa vie pour ses idéaux démocratiques et égalitaires.
Des femmes d’exception qui continuent d’écrire l’histoire du Maroc et dont nous dresserons quelques uns des portraits dans les prochains articles.
En chiffres
♦ Seules 22,4% des femmes travaillent contre 71,6% pour le sexe masculin (Haut Commissariat au Plan)
♦ Les écarts de salaire entre hommes et femmes peuvent atteindre 77% (Banque Mondiale)
♦ Le taux d’analphabétisme est de 41,9% pour la population féminine en 2014 au lieu de 22,1% pour la population masculine
♦ 23% des femmes ont subi un acte de violence sexuelle à un certain moment de leur vie (HCP)
♦ 14,8% des jeunes filles de 15 à 24 ans sont analphabètes contre 7,2% des garçons du même âge (HCP)
♦ 80% des marocains considèrent que ni le mari, ni l'épouse ne doit avoir d'ami du sexe opposé
♦ 58% des hommes et 49% des femmes pensent que l'égalité des sexes a déjà été atteinte dans la société marocaine
Pour aller plus loin
Sites internet et articles
Femme marocaine en chiffres
Zoom sur les femmes : CARE International
ONU Femmes : Maghreb
Au Maroc, les femmes n'ont que les trois quarts des droits reconnus au hommes (Huffpost)
Bibliothèque
Osire Glacier et U. Jamil, Le féminisme musulman, 2006
Osire Glacier, Le printemps marocain oublié, 2011
Osire Glacier, Femmes politiques d’hier à aujourd’hui. La résistance et le pouvoir au féminin, 2013
Fatima Mernissi, La femme dans l’inconscient musulman, 1982
Fatima Mernissi, Le Harem politique : le Prophète et les femmes, 1987
Fatima Mernissi, Les sultanes oubliées : Femmes chefs d’État en Islam, 1990
Fatima Mernissi, Le monde n’est pas un harem : paroles de femmes du Maroc, 1991
Rabéa Naciri, Le mouvement des femmes au Maroc, 2006
Leïla Slimani, Sexes et Mensonges, Les Arenes Eds, 2017