Michelle Henley, celle qui murmure à l'oreille des éléphants
Michelle Henley a dédié sa vie à la sauvegarde des éléphants en Afrique du Sud. Michelle Henley, lauréate du prix national de la Société pour la Faune et l’Environnement en 2013, rêvait déjà à 5 ans de devenir garde forestière. En 2003, elle a fondé Elephants Alive, organisme œuvrant pour la conservation de l’espèce en Afrique du Sud.
Afrique du Sud
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J’ai toujours su que je voulais travailler dans la défense des animaux. A 5 ans, je voulais devenir garde forestière. Ca s’est confirmé quand la crise du braconnage a commencé dans le pays. Je savais que pour faire mes preuves dans ce milieu, il me fallait les bons diplômes : d’abord une licence en zoologie, puis un Master et enfin un PhD à l’Université de Witwatersrand avec une spécialisation dans les éléphants sud-africains. Mes modèles, à l’époque, c’étaient Jane Goodall, Joy Adamson… Mes grands-parents possédaient tous leurs livres, j’ai même fait signer une édition originale à Jane Goodall à mes 16 ans.
Mes diplômes en poche, j’ai commencé à travailler. Avec ma mère, qui est artiste, nous nous sommes prises de passion pour l’identification des éléphants. Nous partions dans la brousse pour créer une base de données extensive, en dessinant les oreilles des éléphants que nous croisions. En effet, chaque éléphant possède une structure d’oreille unique, on peut le reconnaître grâce au dessin que les veines et les tâches forment. Ce travail d’identification était essentiel pour nous permettre de comprendre les dynamiques sociales de chaque groupe que nous analysions. Et cette analyse est passionnante, c’est presque comme des feuilletons ! Nous sommes devenues accro, en très peu de temps nous avons pu identifier 2000 individus.
C’est en 2003 que j’ai lancé Elephants Alive. Dans le cadre de mon PhD, j’effectuais une étude terrain dans des réserves privées d’Afrique du Sud. J’avais voulu faire un débrief de mes conclusions à mes collègues, et suite à cela, une des propriétaires, Marlene McCay, m’avait contactée pour diriger un projet de recherche autour des éléphants. C’est comme ça que nous avons créé la branche sud-africaine de Save the Elephants, branche qui deviendrait ensuite Elephants Alive. Notre mission, c’est de plaider pour une coexistence harmonieuse entre éléphants et populations locales pour assurer la survie de l’espèce. Notre travail, c’est de collecter des données scientifiques pour mieux comprendre leurs mouvements et leurs besoins, et donc mieux les protéger.
Un projet qui a marqué la vie de l’association, ça a été l’opération de rapatriement d’un groupe de trois éléphants qui s’étaient échappés de leur réserve et qui détruisaient les champs de culture près des Montagnes Blyde. Les moyens conventionnels ne fonctionnaient pas, les éléphants se cachaient dans les montagnes et dans la brousse, les hélicoptères ne pouvaient être d’aucune aide. C’est devenu une opération monumentale qui a demandé des mois d’organisation. La première chose à faire a été de les empêcher de détruire les champs : la nuit, nous brûlions un mélange de chili et de fumier autour des champs, la fumée éloignait les éléphants. Puis nous avons demandé à l’un des meilleurs pisteurs du pays de les suivre à pied la journée pour mettre un collier-émetteur sur l’un des éléphants et suivre ses déplacements. Une fois leurs mouvements décryptés, nous avons sollicité 2 hélicoptères, 3 camions, les meilleurs vétérinaires du pays, pour pousser les éléphants vers un champ particulier, les endormir avec des fléchettes et enfin les transférer dans un camion jusqu’à leur réserve d’origine.
La relation entre les sud-africains et les éléphants est très particulière : les premiers sont très inquiets des conséquences que les éléphants ont sur les grands arbres. C’est pour cela que dans la période de 1967 à 1994, les abattre dans le Kruger Park paraissait comme la meilleure solution : on tuait jusqu’à 600 éléphants par an. Désormais, on a compris que c’était inutile. Le vrai danger réside dans la montée en flèche du taux de braconnage, favorisé par la hausse du prix de l’ivoire et par l’avancée de la classe moyenne en Chine, friande de la matière.
Ça a été difficile d’être une femme et de travailler dans le domaine de la préservation. Dès le début, à mes 16 ans, j’avais contacté des réserves pour leur demander de travailler en tant que garde forestière, on m’avait ri au nez et expliqué qu’on n’engageait pas de femmes rangers. Dans ce monde masculin, j’ai dû apprendre à être très ferme dans mes convictions, à être implacable. C’était la seule façon de s’en sortir lorsqu’on se retrouvait face à des obstacles. Ce qui m’a vraiment aidée, ça a été d’écouter mes instincts, ne pas lâcher prise et de toujours me remettre en question dans des situations difficiles.