Miriam Altman, l’impact comme leitmotiv
Économiste de renom, fine stratège des grands groupes, activiste sociale… Miriam est une travailleuse insatiable. Après sa lutte contre l’apartheid, elle joue un rôle majeur dans l’élaboration des politiques liées à l’emploi et la réduction de la pauvreté en Afrique du Sud. Trois années lui suffisent pour redresser Telkom en prenant la tête de la stratégie entre 2013 et 2016. Comme son travail professionnel, son engagement civique ne connaît pas de limites : Amnesty International, Fondation Tiger Brands, Youth Initiative Program, etc. Son leitmotiv est simple : générer un impact positif économiquement et socialement.
Afrique du Sud
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De l’art à l’économie
Comme vous pouvez le voir dans ma maison, je suis passionnée d’art. Jusqu’à mes 21 ans, je peignais beaucoup et je pensais devenir artiste. Finalement, je fais des études de mathématiques et de philosophie à McGill. Un été, je travaille au sein d’une communauté minière au nord du Canada. Alors que j’ai grandi dans un environnement très individualiste, l’esprit collectif de cette communauté me marque et suscite en moi l’envie d’étudier le développement économique. Je bifurque en économie et deviens présidente d’Amnesty International McGill. Nous n’étions alors que cinq membres, nous en recrutons 200 dans l’année. Une première expérience qui éveille mon engagement civique et me donne le goût des levées de fonds.
Je tombe dans l’économie par hasard et je suis pourtant l’une des rares étudiantes à en faire ma profession en devenant économiste au Trésor Public du Canada. Sur un nouveau continent, je pars au Lesotho lever des fonds pour un organisme de développement. Une association anti-apartheid sud-africaine me débauche pour leur venir en aide et c’est ainsi que je pars vivre en Afrique du Sud en 1987.
Mandela emprisonné, je quitte l’Afrique du Sud pour faire un master à l’université de Cambridge avec une spécialisation en industrie textile. L’envie de vivre en Afrique du Sud me taraude et dès l’annonce de la libération de Mandela en 1990, j’y reviens. J’ai la chance d’avoir une opportunité chez Clothing & Textiles Trade Unions dont je chapeaute la restructuration. J’en fait d’ailleurs le sujet de mon PhD quelques années plus tard à l’Université de Manchester.
Le plan national de développement sud-africain
1994. Mandela devient président. En tant qu’économiste, je suis missionnée pour définir les nouvelles politiques liées à l’emploi et à la réduction de la pauvreté dans le cadre du Plan National de Développement.
Très attirée par les sciences sociales, je deviens directrice exécutive du Human Sciences Research Council en 2002. Il s’agit du plus important institut de recherche en sciences sociales du continent. Pendant mes onze années d’exercice, je quitte l’institution en l’ayant rendue financièrement indépendante. Sa crédibilité fait aussi d’elle lui une actrice incontournable dans la prise de décisions publiques.
À partir de 2010, je siège à la Commission du Plan National de Développement dont l’objectif est de fixer une vision à long-termiste du développement économique et social sud-africain. J’ai siégé lors de la première commission entre 2010 et 2015 et mon mandat a été renouvelé pour 5 ans dans le cadre de la seconde commission. Un poste que j’ai doublé à celui de Telkom à partir de 2013.
Miriam Altman, la sauveteuse de Telkom
Sipho Maseko est nommé CEO de Telkom en 2013. Alors que nous avons travaillé quelques années ensemble dans le passé, il me met au défi de prendre la tête de la direction stratégique du groupe. Une pure folie lorsque l’on sait que Telkom se trouve dans une très mauvaise passe : en déclin rapide depuis plusieurs années dû à une très mauvaise image de marque. Passionnée par les changements de gouvernance, je relève le défi. En deux semaines, je constitue de nouvelles équipes. Je profite de ce nouvel élan pour radicalement changer la culture de l’entreprise. Ainsi, j’implique les employés dans les prises de décisions afin qu’ils deviennent de véritables vecteurs de changement. Je m’attelle à rendre l’entreprise la plus transparente possible. Petit à petit, Telkom regagne l’adhésion de ses travailleurs et de ses clients. Sa valeur en bourse est multipliée par 6 entre 2013 et 2015. Telkom devient un exemple de réussite d’entreprise publique.
L’engagement civique, une seconde nature
Je n’ai jamais su mêler ma vie professionnelle et ma vie personnelle. Je suis une férue de travail, je ne m’arrête jamais. Désormais j’ai fondé mon propre cabinet de conseil pour consacrer davantage de temps à mon engagement civique. Je suis l’un des membres fondateurs de la Fondation Tiger Brands qui œuvre pour la malnutrition infantile. L’un de nos programmes phare fut la mise en place d’un petit-déjeuner nutritif dans les écoles pour plus de 65 000 enfants.
J’ai toujours travaillé dans des secteurs majoritairement masculins. Je me suis d’ailleurs toujours comportée comme un homme. Au fil des années, je prends conscience de ma féminité et de ce qu’elle engendre. Même en tant que directrice stratégique d’un groupe comme Telkom, j’ai souvent été sous-estimée. Aux yeux des employés, j’ai ressenti que la parole d’une femme reste annexe à celle de l’homme au poste de CEO.
Je me suis toujours battue pour la condition féminine. Chez Trade Union, j’ai mis en place une association de sensibilisation contre les violences sexuelles. Aujourd’hui, j’endosse le rôle de mentor pour de nombreuses jeunes femmes à travers le Youth Initiative Program. Ce que j’ai retenu de mon parcours, c’est qu’il ne faut jamais prendre les choses personnellement. Concentrez-vous sur les résultats. Ne cherchez pas à faire de vos collègues vos amis. Travaillez constamment sur votre psychologie, construisez-vous. Questionnez-vous sur votre futur et les étapes pour y parvenir. N’ayez pas peur et honte d’être ambitieuse.