Mqwebu Nompumelelo, mettre en lumière la cuisine sud-africaine

Elle est l’une des chefs culinaires les plus en vue du continent africain : Nompumelelo Mqwebu aka Chef Lelo. De la création d’un restaurant éphémère, à celle d’un festival panafricain de cuisine, en passant par la rédaction du livre Through the Eyes of an Africain Chef, Nompumelelo donne un souffle nouveau à la cuisine sud-africaine en la propulsant sur la scène internationale. Elle nous livre son parcours.

Afrique du Sud

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Afrique du Sud 〰️

Je suis née dans le petit village de KwaZulu-Natal, avant de grandir à Umlazi, un bidonville au sud de Durban. Je pense avoir grandi comme n’importe quel enfant vivant dans un bidonville sauf sur un point : la cuisine était centrale dans ma famille. J’ai eu la chance d’avoir un père qui avait un petit voyagé, il avait été cuisinier quelques années et connaissait donc une grande variété de plats. La personne qui a le plus compté pour moi dans mon enfance, c’est ma grand-mère. C’est elle qui m’a éduquée et c’est plus particulièrement grâce à elle que je cuisine aujourd’hui. Elle avait ouvert son propre restaurant qu’elle réussissait à faire tourner avec son potager et son poulailler. Elle reste encore pour moi l’une de meilleure cuisinière que je connaisse. Autant vous dire que chez moi, ça ne rigole pas avec la cuisine ! Cuisiner pour ma famille relevait du défi et je pense que c’est ce qui a façonné mon goût pour ce savoir-faire.

Mes parents rêvaient de me voir travailler dans une entreprise, obtenir un emploi stable. Après l’école, j’ai donc décidé d’étudier le marketing et les ressources humaines puis j’ai terminé dans une entreprise de colorants textiles à m’occuper de la logistique et des opérations. C’est la première fois que je me suis questionnée sur les produits que l’on utilise, que l’on porte et que l’on mange. Je ne trouvais plus de sens dans ce que je faisais, j’ai voulu changer de bord. J’ai beaucoup réfléchi et la cuisine m’est apparue comme une évidence. J’étais convaincue d’être douée mais je voulais être prise au sérieux et j’ai donc décidé en 2005 de m’inscrire à l’école de cuisine City and Guilds of London Institute. En Afrique du Sud, il n’y a aucune école de cuisine où l’on apprend notre cuisine indigène. J’ai appris à cuisiner français ou italien mais jamais sud-africain. Je trouve ça dingue, je me suis toujours demandée où était la cuisine que je mangeais à la maison.

J’ai commencé à faire mes cartes au sein de plusieurs restaurants, c’était pour moi partie intégrante de ma formation que de commencer à cuisiner aux côtés de différents chefs. À l’époque j’étais déjà maman d’un petit garçon et c’était aussi un moyen d’avoir un salaire fixe. J’ai été particulièrement inspirée par ma manager au Janet’s Restaurant à Cape Town : c’est la première fois que j’étais confrontée à une femme chef. J’ai beaucoup appris de sa façon d’interagir avec ses employés, très pédagogue tout en gardant sa figure d’autorité. Une autre femme qui m’a beaucoup inspiré est Darina Allen qui m’a formé au sein de la Ballymaloe Cookery School en Irelande où j’ai étudié en 2012. J’ai appris à cuisiner de façon éthique en tenant compte des saisons, en travaillant de pair avec l’environnement.

Promouvoir la cuisine sud-africaine

À mon retour en Afrique du Sud, mon objectif était clair : promouvoir la cuisine sud-africaine. J’ai commencé à expérimenter de nouvelles recettes chez moi. L’une de mes premières recettes me suit d’ailleurs toujours aujourd’hui : j’ai revisité les gnocchis italiens avec de l’amadumbe, un légume typiquement sud-africain. Avec ces recettes en tête, j’ai lancé mon propre business : Africa Meets Europe, un service traiteur devenu pop-up restaurant. C’était très nouveau à l’époque, les gens ne comprenaient pas comment un restaurant pouvait être éphémère. Au-delà de la promotion de notre cuisine, j’essaie aussi d’éduquer mes clients à une consommation plus éthique : j’achète tous mes légumes directement aux agriculteurs et je montre de nouvelles façons de cuisiner des produits de base.

J’ai toujours cherché à identifier les différentes influences culinaires qui façonnent la cuisine sud-africaine et plus largement africaine. Les sud-africains ne connaissent que très peu la cuisine d’autres pays africains et vice-versa. J’étais très curieuse de comprendre ce que nous partagions et ce qui était unique dans nos cultures culinaires. C’est ainsi que j’ai créé le Mzansi International Culinary Festival qui rassemble chaque année une multitude de chefs africains.

J’ai voulu mettre tous ces enseignements sur le papier, c’est ainsi que j’ai écrit Through the Eyes of an Africain Chef. J’ai ainsi documenté les différentes influences qui ont fait de notre cuisine ce qu’elle est aujourd’hui. C’était aussi l’occasion de rassembler toutes les recettes indigènes dont j’avais connaissance et de les faire connaître à mon pays et plus largement à la scène internationale.

Être femme, chef et africaine

En 2007, Anne-Sophie Pic est devenue la première femme élue Chef de l’année et à détenir 3 étoiles Michelin. Ce fut un choc. C’était fou pour moi d’apprendre qu’aucune femme européenne n’avait obtenu ce titre auparavant, j’étais pourtant convaincue qu’elles avaient davantage de reconnaissance qu’en Afrique. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi dans la sphère familiale la cuisine est bien souvent l’apanage des femmes mais que lorsqu’on parle de cuisine professionnelle, elle devient une affaire d’hommes.

Aujourd’hui, j’ai acquis une petite notoriété que j’ai encore du mal à assumer mais je suis vraiment très heureuse de pouvoir m’en servir pour valoriser notre cuisine. Je suis fière d’avoir essaimé les premières graines d’une cuisine sud-africaine reconnue sur le plan international et j’espère que de nombreux chefs prendront le relais.

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