Oulimata Diop, directrice générale de la haute autorité de Waqf

Oulimata Diop est exceptionnelle de rigueur et de volonté. Elle s’est toujours battue pour arriver à ses fins, à commencer par les concours de l’ENS et de l’ENA au Sénégal. Puis à son entrée dans l’administration publique, où elle est successivement passée du Ministère de l’Intérieur, à celui de la Modernisation de l’Etat, jusqu’à celui de l’Economie et des Finances où elle est devenue Directrice. Elle a fait ses preuves dans ce milieu, et s’attaque maintenant à un poste d’ampleur : Directrice Générale de la Haute Autorité du Waqf. Le waqf, cet instrument de solidarité islamique, qui équivaut à une donation volontaire, et qui dans les pays en développement permet d’avoir un impact positif sur la lutte contre les inégalités. Plus d’infos sur cet instrument méconnu par ici.

Sénégal

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Un parcours exemplaire au gouvernement

J’ai grandi en ayant la chance d’être éduquée par mes deux parents, à Dakar. Je suis allée à l’Université Cheikh Anta Diop, où j’ai fait des études de géographie, jusqu’à la maîtrise. A l’époque, je n’avais pas de plan, je voulais surtout trouver un emploi pour soutenir ma famille. J’ai alors décidé de faire l’Ecole Normale Supérieure, j’ai tenté le concours pour devenir enseignante au collège. Seulement trois mois après mes débuts à l’ENS, les concours de l’Ecole Nationale d’Administration, l’ENA, ont ouvert. C’était mon rêve : j’ai tenté ma chance et réussi au concours de l’ENA en tant que géographe ! Nous étions 4 à le réussir. Quelques années plus tard, je suis sortie avec major de ma promotion, avec un brevet d’administratrice civile de l’école.

Dès l’instant où l’on réussit le concours de l’ENA, on est engagé comme fonctionnaire. A la sortie, c’est l’Etat qui nous oriente, en fonction des besoins. J’ai été orientée au Ministère de l’Intérieur pendant 1 an, puis j’ai demandé à être mutée au Ministère de la Modernisation de l’Etat, où j’ai travaillé pendant 1 an également. Je ne me sentais pas très utile, j’ai donc demandé à aller à l’ENA comme Directrice de la Formation Initiale. Après 2-3 ans, j’ai voulu élargir mes perspectives de carrière, et c’est là que je suis allée au Ministère de l’Economie et des Finances, où j’ai fait l’essentiel de ma carrière.

Mon objectif, c’était de mettre la main à la pâte, d’apporter ma contribution. Arrivée au Ministère des Finances, j’ai été nommée Chef de Division pour 5 ans, et l’idée était d’occuper une fonction de direction. J’ai eu la chance d’être promue au poste de Directrice, qui était l’un de mes rêves (et celui de tout administrateur, pour ensuite être Directeur Général).

La Haute Autorité du Waqf : qu’est-ce que c’est ?

Après 10 ans au poste de Directrice, j’ai été nommée Directrice Générale de la Haute Autorité du Waqf. A l’époque, j’avais beaucoup travaillé sur l’institutionnalisation du waqf, j’avais œuvré pour plus de régulation de cette pratique. Cette nomination m’a permis d’avoir une autre expérience de l’administration, dans une structure autonome (la Haute Autorité dépend du Secrétariat Général du gouvernement).

Mais qu’est-ce que le waqf ? C’est un instrument de solidarité islamique, encore appelé aumône durable. Dans l’islam, il existe plusieurs instruments de solidarité destinés à lutter contre la pauvreté et pour la justice sociale. Il y a la zakat, qui est une obligation pour le musulman. Le waqf est une donation volontaire, et il est possible de l’affecter à un bénéficiaire sélectionné. C’est le fait d’immobiliser un bien et d’en affecter l’usufruit à une oeuvre de bienfaisance publique ou privée. Dans le jargon, on peut l’assimiler à une Fondation pieuse ; dans le Coran, c’est une aumône durable. Ça peut être un bien immobilier (terrains, immeubles, centres commerciaux), ou prendre une forme monétaire. Cet instrument a beaucoup contribué à l’éducation (via la construction d’écoles, d’universités) et la santé (via le financement d’infrastructures, de médicaments), la culture. C’est un instrument de développement économique et social indispensable. Dans certains pays, il a même été érigé en Ministère.

Lorsqu’on reçoit une donation, la Haute Autorité a la charge d’investir celle-ci dans les secteurs licites par rapport à l’islam. Les revenus générés par ces investissements sont ensuite réinvestis dans la lutte contre l’inégalité sociale, pour accompagner les Etats dans leurs politiques sociales. Nous gérons les biens qui nous ont été légués et en redistribuons les bénéfices. Le Sénégal a été le premier pays dans la région a se doter d’une loi sur le waqf. Des pays comme le Mali, la Guinée, le Niger, suivent le pas et cherchent à institutionnaliser le waqf comme nous l’avons fait, en lui créant un cadre juridique et une institution dédiée.

Le cadre juridique que nous avons mis en place définit le waqf et ses différentes formes, ses conditions de validité, de création, les droits et obligations du légataire et du bénéficiaire… Nous sommes désormais une dizaine de personnes dans l’équipe.

A l’heure des bilans

A y réfléchir, ça a été plutôt neutre d’être une femme dans mon contexte, parce que ce qui a été déterminant, c’était la résolution et la rigueur dans le travail. C’est juste que lorsqu’on est une femme, on doit faire attention à certaines choses, il faut avoir des valeurs d’éthique irréprochables. J’ai dû négliger ma vie de famille à une certaine période. Mais j’ai eu la chance d’être épaulée par ma mère, qui a quasiment élevé mes enfants, et c’est ce qui m’a permis de ne pas me poser de questions et de savoir que mes enfants étaient en sécurité.

Pour arriver à ses objectifs, finalement, il faut croire en ses capacités et ne pas se laisser dicter ce à quoi on peut prétendre, ou influencer par ceux qui sont prompts à vous décourager. La volonté et l’engagement, il n’y a que ça qui fonctionne.

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