Palestine : Le B.A.-BA

Leve Palestina, Long Live Palestine

Une contextualisation plus que jamais essentielle pour mieux appréhender les témoignages des femmes palestiniennes.

Palestine

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Il est impossible de dresser un portrait des femmes en Palestine sans prendre en compte le contexte, intrinsèquement lié à l’occupation israélienne, complexe et souvent dramatique dans lequel elles naviguent. Ce qui suit n’est pas un simple état des lieux, mais une plongée dans une réalité où chaque défi est aussi un combat pour la sauvegarde de tout un peuple. Ce B.A.-BA, volontairement plus ancré dans l’histoire qu’à notre habitude, est aussi façonné par l’expérience d’une de nos cofondatrices, Isolde, qui vit à Ramallah depuis deux ans, témoin au quotidien de la résilience et de la force des femmes palestiniennes face à l’adversité.


Comprendre l’histoire - une clé de compréhension indispensable

Retour sur un siècle de tensions. À la fin du XIXe siècle, la Palestine, province de l'Empire ottoman, est majoritairement arabe, composée d’environ 80 % de musulmans, 10 % de chrétiens et 10 % de juifs. Alors que l’antisémitisme se renforce en Europe, certains Juifs immigrent en Palestine, soutenus par le mouvement sioniste qui prône la création d'un État juif. En 1917, la Déclaration Balfour du Royaume-Uni promet aux Juifs un "foyer national" en Palestine. Après la Première Guerre mondiale, le Royaume-Uni prend le contrôle de la Palestine sous mandat de la Société des Nations, favorisant l’immigration juive : entre 1929 et 1939, environ 180 000 juifs s’installent en Palestine, intensifiant les tensions avec la population arabe locale.

La Seconde Guerre mondiale marque un tournant. L’Holocauste entraîne la mort de six millions de juifs, accentuant la pression internationale pour un État juif en Palestine. L’ONU, en 1947, propose un plan de partage qui attribue 55 % de la Palestine aux Juifs, bien que ceux-ci ne représentent que 30% de la population. Ce plan est rejeté par les Palestiniens et les pays arabes, dénonçant une injustice flagrante. Les Accords d’Oslo morcèle aussi la Cisjordanie en trois zones : Zone A (18 % du territoire), sous contrôle palestinien, mais régulièrement ciblée par des incursions israéliennes ; Zone B (22 % du territoire), où l’Autorité palestinienne gère les affaires civiles tandis qu’Israël garde la main sur la sécurité ; et Zone C (60 % du territoire), sous contrôle israélien exclusif, abritant les colonies et soumise à de strictes restrictions pour les Palestiniens.

En 1948, David Ben Gourion proclame unilatéralement la création de l'État d'Israël. Le lendemain, l'Égypte, la Jordanie, la Syrie, le Liban et l'Irak déclarent la guerre. Israël l’emporte, élargit son territoire et annexe Jérusalem-Ouest. Plus de 700 000 Palestiniens sont contraints à l'exil, un exode connu sous le nom de Nakba (« catastrophe » en arabe). Seules la bande de Gaza et la Cisjordanie restent sous contrôle arabe, respectivement administrées par l’Égypte et la Jordanie.

En 1967, la guerre des Six Jours change radicalement la donne. Israël occupe la Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est, le plateau du Golan syrien et le Sinaï égyptien. La colonisation, surtout en Cisjordanie, s’intensifie. En 1973, la guerre du Kippour, menée par une coalition égyptienne et syrienne, échoue à récupérer les territoires perdus. En 1978, l’Egypte normalise ses relations avec Israël (accords du Camp David en 1978) et récupérera ses territoires.

Face à une occupation prolongée et à l’expansion des colonies, la première Intifada éclate en 1987. Celle-ci s’achève en 1993 avec les accords d'Oslo, qui reconnaissent l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), dirigée par Yasser Arafat, et ouvrent la voie à une autonomie palestinienne. Malgré ces accords, Israël ne respecte pas ses promesses et en 2000, une seconde Intifada éclate, plus meurtrière encore.

En 2002, Israël érige un mur de séparation, empiétant régulièrement sur la Cisjordanie au-delà de la Ligne verte pour englober des colonies. Cette barrière isole des villes et villages palestiniens, limite l’accès aux terres agricoles et complique les déplacements. Présenté comme un rempart sécuritaire par Israël, il est jugé illégal par la Cour internationale de justice.

En 2005, Israël se retire de la bande de Gaza, démantelant ses colonies, mais impose un blocus strict, transformant Gaza en prison à ciel ouvert. En 2006, le Hamas remporte les élections, entraînant une lutte pour le pouvoir avec le Fatah. En 2007, le Hamas prend le contrôle de Gaza, tandis que le Fatah garde la Cisjordanie.

Les affrontements se répètent régulièrement entre Israël et le Hamas lors de plusieurs guerres (2008-2009, 2012, 2014, 2021, 2023), tandis que la colonisation s’intensifie en Cisjordanie, comptant aujourd’hui plus de 700 000 colons israéliens, rendant la solution à deux États de plus en plus improbable.

Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, qui a causé la mort de près de 1 200 Israéliens, Gaza subit un massacre à grande échelle, qualifié de génocide par Amnesty International et d'autres organisations internationales. Les offensives terrestres et les bombardements massifs ont déjà causé la mort de près de 50 000 Gazaouis (probablement largement sous-estimé à ce jour). Les images de destructions et de pertes humaines s’enchaînent, relayées en direct par les médias du monde entier. Malgré un cessez-le-feu fragile, la menace d'un nettoyage ethnique à Gaza et d’une annexion totale de la Cisjordanie demeure une inquiétude majeure.

Cette histoire et ce quotidien tumultueux ont des répercussions profondes sur la vie des Palestiniens et Palestiniennes, qui font face à des défis uniques dans un contexte sombre. Pour comprendre leur réalité, il est essentiel de saisir les enjeux liés à l’occupation israélienne, qui imprègne chaque aspect de la vie quotidienne en Palestine. Cette occupation crée un état d’urgence permanent, où les préoccupations liées à la guerre et à la libération nationale prennent souvent le pas sur d'autres questions, comme les droits des femmes, reléguées au second plan.


« Les femmes n’assument pas seulement le double fardeau de l’occupation et du patriarcat, mais du fait de l’occupation leur capacité à transformer les structures patriarcales d’inégalité entre les sexes est amoindrie. »
— Rapporteuse des Nations unies sur la violence contre les femmes

Politique

L’Autorité palestinienne ne peut pas se targuer de son avancée en matière d’égalité femme-homme. Il convient toutefois de nuancer en rappelant que la possibilité d’amender les lois n’a été octroyée aux Palestiniens qu’en 1996, et que leur système juridique reste un enchevêtrement complexe d’héritages ottoman, britannique, jordanien, égyptien, et israélien. Malgré cela, ni l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ni le Hamas à Gaza n’ont placé la protection des droits des femmes au cœur de leurs priorités.

Les violences domestiques bénéficient souvent de l’impunité. L’article 340 du code pénal jordanien, par exemple, exonère les hommes accusés de « crimes d’honneur », les qualifiant souvent de morts accidentelles ou de suicides. En 2020, le Women's Center for Legal Aid and Counselling (WCLAC) a recensé au moins 37 féminicides dans les territoires palestiniens. D’après le WCLAC, 60 % des victimes de violences domestiques préfèrent garder le silence, et seulement 1 % d’entre elles portent plainte auprès des autorités. Cette situation est exacerbée par la législation, qui exige que les plaintes concernant les violences, notamment celles impliquant des jeunes filles, soient déposées uniquement par un parent masculin.

Les violences envers les femmes restent un sujet tabou, souvent considéré comme une affaire privée. Le débat sur la question a pris de l’ampleur en 2019 avec la proposition d'une « loi sur la protection familiale » visant à aborder les problématiques du mariage et de la violence. Cependant, l’Autorité palestinienne a échoué à faire adopter cette loi. Bien que la Palestine ait ratifié la CEDAW en 2014, sa mise en œuvre demeure largement insuffisante, en grande partie en raison des fortes résistances des milieux religieux conservateurs, qui perçoivent cette convention comme un affront à la charia, notamment en ce qui concerne l’héritage des femmes, la fin de la tutelle masculine, ainsi que les questions de la polygamie et de l’avortement.

Sur le plan politique, bien que les femmes aient participé aux élections locales de 2021 à hauteur de 22 %, elles restent largement sous-représentées dans les instances décisionnelles. En 2022, les femmes représentaient environ 25 % du Conseil central palestinien et 11 % des ambassadeurs palestiniens.

Enfin, tous comme les hommes, les femmes palestiniennes subissent les conséquences de l'occupation israélienne. Depuis 1967, plus de 17 000 ont été emprisonnées et beaucoup subissent des mauvais traitements, notamment la torture et l'accès limité aux soins.


Les femmes palestiniennes dans la résistance : terroristes pour les uns, héroïnes pour les autres.

Les femmes palestiniennes ont toujours été au cœur de la résistance contre l'occupation israélienne. De la lutte armée à l’activisme politique, en passant par la défense des droits humains, elles incarnent une force indéfectible dans le combat pour la liberté et la justice. Ici, quelques figures emblématiques (de gauche à droite):

  1. Fadwa Barghouti : Militante engagée pour la cause palestinienne, Fadwa Barghouti est avocate et l’épouse de Marwan Barghouti, leader emprisonné du mouvement Fatah. Son combat pour la libération des prisonniers palestiniens et son engagement en faveur des droits des femmes en font une figure influente de la résistance.

  2. Ahed Tamimi : À 16 ans, Ahed Tamimi est devenue une icône mondiale de la résistance palestinienne après son arrestation en 2017 pour avoir giflé un soldat israélien. Son geste a attiré l’attention internationale sur la lutte des Palestiniens et les abus de l'occupation.

  3. Leila Khaled : Militante emblématique du Front Populaire de Libération de la Palestine (PFLP), Leila Khaled est devenue un symbole international de la résistance palestinienne après avoir participé à plusieurs détournements d’avion dans les années 60 et 70, un acte de résistance armée devenu légendaire.

  4. Khalida Jarrar : Militante et ancienne membre du Conseil législatif palestinien, Khalida Jarrar est une figure centrale du mouvement pour la libération des prisonniers palestiniens et une fervente défenseure des droits des femmes sous occupation israélienne.

  5. Shadiya Abu Ghazaleh : Ancienne combattante du Front Populaire de Libération de la Palestine, Shadiya Abu Ghazaleh est une militante de longue date qui a activement participé à la lutte contre l'occupation israélienne tout en soutenant la cause des femmes palestiniennes.


Economie

Alors que le taux de pauvreté en Palestine pourrait atteindre 74,3 % d’ici fin 2024 et que le chômage des jeunes explose à 80 % dans la bande de Gaza (PNUD), la population fait face à une crise économique sans précédent. Entre restrictions, conflits et effondrement des infrastructures, les femmes sont particulièrement touchées, cumulant précarité et inégalités sur le marché du travail.

Avant la guerre, en 2023, les femmes palestiniennes affichaient déjà l’un des taux de participation à la population active les plus bas au monde (17,2 %, contre 71 % pour les hommes), malgré un accès à l’éducation parmi les plus élevés de la région (ONU Femmes). Seules 20,2 % des femmes actives occupaient un poste de direction, et les entrepreneures représentent 14,5 % des femmes employées – un chiffre resté pratiquement inchangé depuis 15 ans.

Avec des opportunités professionnelles limitées, de nombreuses femmes restent économiquement dépendantes de leur mari ou de leur famille, ce qui renforce leur vulnérabilité en période de crise. L’égalité économique demeure un sujet de controverse, notamment en matière de droit successoral. Si la charia islamique – qui influence fortement la législation du Hamas et, dans une moindre mesure, celle de l’Autorité palestinienne – garantit aux femmes une indépendance financière totale, les règles d’héritage leur octroient une part inférieure à celle des hommes. Une inégalité souvent aggravée par les traditions familiales : 56 % des frères refusent de partager l’héritage avec leurs sœurs, malgré les lois existantes (WCLAC, 2014).

Malgré leur faible accès à la propriété foncière, les femmes palestiniennes jouent un rôle crucial dans le secteur agricole, notamment dans les zones rurales et en Zone C, où les restrictions israéliennes compliquent l’exploitation des terres. Dans ces territoires, elles sont en première ligne de la résistance (sumud), défendant leurs moyens de subsistance face aux attaques de colons et aux restrictions militaires.


Culture

La culture palestinienne, née d’une histoire millénaire marquée par des influences arabes, ottomanes et méditerranéennes, est le socle qui permet au peuple palestinien de maintenir son identité face à l’occupation israélienne. Déplacés, exilés, souvent séparés de leurs terres, les Palestiniens ont su préserver leurs traditions et leur patrimoine, un héritage vivant qu’ils continuent de transmettre, ancré dans la résistance.

Les femmes palestiniennes occupent un rôle clé dans la transmission des savoirs culturels. L'embroidery traditionnel, le tatreez, est l’un des exemples les plus frappants. Ces broderies, qui ornent les thobes (robes traditionnelles) portées lors d’occasions spéciales, ne sont pas seulement décoratives. Elles sont le témoignage de l'histoire et de la résistance palestinienne, chaque motif portant une signification profonde, souvent liée à une région ou à un village spécifique. Certaines de ces broderies remontent à des milliers d’années et sont transmises de mère en fille. Dans des sociétés où les femmes sont les principales gardiennes de la mémoire collective, ce savoir-faire devient un acte de résistance, une manière de dire "nous sommes toujours là", même lorsque tout semble nous être retiré.

Dans le domaine musical, des artistes comme Reem Banna ont joué un rôle essentiel en redonnant vie au répertoire traditionnel palestinien tout en y intégrant des influences contemporaines. Sa musique est un mélange de genres, un hymne à la fois à la lutte et à la survie de la culture palestinienne. La rappeuse Shadia Mansour, incarnent cette résistance culturelle. Elle mêle dans ses morceaux des influences modernes avec des éléments traditionnels, offrant un son qui résonne bien au-delà des frontières palestiniennes.

Pratiquée lors des mariages, des fêtes et des rassemblements, la dabké est une danse collective où les danseurs se tiennent par la main et frappent le sol en rythme, comme pour affirmer leur lien à la terre. Dans le contexte palestinien, ce geste prend une dimension symbolique forte : c’est une manière de revendiquer son enracinement et son attachement à la terre, en dépit des déplacements forcés et de la colonisation. Au-delà des festivités, la dabké s’invite aussi dans les protestations et les rassemblements politiques. Il n’est pas rare de voir des groupes de jeunes exécuter cette danse lors de manifestations, mêlant art et contestation pour affirmer leur identité et défier l’occupation par la culture.

Les écrivaines palestiniennes occupent également une place prépondérante dans la littérature arabe contemporaine, à l’instar de Fadwa Tuqan, surnommée « la poétesse de la Palestine », l’une des voix les plus emblématiques de la poésie palestinienne moderne. Son œuvre évoque l’amour, l’exil, l’identité et la résistance face à l’occupation. Susan Abulhawa, dont le roman Mornings in Jenin explore les ravages de l’occupation, démontre aussi la force de la résilience palestinienne.

Au-delà de la transmission, un autre combat s’impose : celui de la préservation de l’identité culturelle face à l’appropriation par Israël. La culture palestinienne est régulièrement revendiquée par Israël, qui s’approprie des éléments comme la musique, la danse, la cuisine, et même les symboles nationaux, tout en effaçant ou en réinterprétant leur origine. La cuisine, par exemple, est souvent décontextualisée, avec des plats emblématiques comme le hummus, le falafel ou le musakhan attribués à la "cuisine israélienne", oubliant leur origine palestinienne. Le hummus, par exemple, a fait l'objet de disputes publiques, Israël et la Palestine se l’attribuant comme plat national.

Cette appropriation ne se limite pas à la cuisine. Les techniques de broderie, les motifs des thobes, et même des savoir-faire comme la culture des olives, sont également récupérés, souvent sans mentionner leur véritable origine. À travers cette démarche, Israël cherche à minimiser l’existence d’une culture palestinienne distincte, la réduisant à une "tradition régionale" dénuée de signification et de contexte historique.

Dans ce contexte, chaque œuvre, chaque chanson, chaque danse, chaque livre devient une forme de résistance. La culture palestinienne, qu’elle prenne la forme d’une broderie, d’un chant ou d’une danse, n’est pas seulement un moyen de préserver le passé, mais aussi de dire que le peuple palestinien existe encore, et continuera d’exister, quoi qu'il arrive.


Education

La Palestine affiche l’un des taux d’alphabétisation les plus élevés au monde, avec 96,9 % de sa population sachant lire et écrire. Les femmes palestiniennes, parmi les plus éduquées du Moyen-Orient, font figure de modèles. Avec un taux d’alphabétisation de 94 %, elles fréquentent l’école primaire aussi régulièrement que les garçons, et obtiennent systématiquement de meilleurs résultats que leurs homologues masculins aux tests du Tawhiji, le certificat d’accomplissement d’éducation secondaire.

Cependant, l'occupation israélienne reste un obstacle majeur à l'éducation en Palestine. Les écoles palestiniennes sont régulièrement exposées aux attaques israéliennes, et les restrictions imposées par l’occupation, notamment la construction dans la Zone C et Jérusalem-Est, exacerbent la pénurie d’infrastructures éducatives. Pendant les dix premières années de l’occupation, aucune nouvelle école n’a été construite, et celles qui existent sont souvent surpeuplées. De plus, les points de contrôle et la barrière de séparation rendent l’accès à l’éducation encore plus difficile.

À Gaza, cette situation atteint des niveaux extrêmes, donnant lieu à ce que certains désignent comme le « scholaciside » - une destruction systématique des établissements scolaires. Les bombardements israéliens successifs ont gravement perturbé l’éducation des enfants, créant une violence éducative où les droits fondamentaux à l’instruction sont bafoués. Les conséquences de ce manque d’accès à l’éducation sont dramatiques, non seulement pour la génération actuelle, mais aussi pour l’avenir de toute une société. Les enfants grandissent sous un stress constant lié à la violence, à l’instabilité et à la peur, perturbant leur développement académique et psychologique.


Sexualité

Relations amoureuses et structure familiale

L’Autorité palestinienne a interdit le mariage des mineurs en 2019, contribuant à faire baisser la part des unions impliquant des filles de moins de 18 ans de 20,3 % en 2018 à 11,9 % en 2020. Pourtant, la question du mariage et des relations amoureuses demeure largement encadrée par des traditions conservatrices. Les rencontres amoureuses sont régulièrement supervisées par les familles, et les unions libres avant le mariage restent socialement inacceptables. Ces mentalités évoluent au sein de la jeune génération, en particulier dans les milieux aisés et/ou urbains où les partenaires se rencontrent plus facilement sans l’intervention de la famille.
La polygamie, bien que marginale, est encore pratiquée dans certaines communautés bédouines, ou à Hebron, conformément aux lois islamiques qui autorisent un homme à avoir jusqu’à quatre épouses.

La structure familiale reste majoritairement patrilinéaire : après le mariage, les femmes emménagent traditionnellement chez leur mari. Il n’est d’ailleurs pas autorisé de vivre en concubinage avec une personne du sexe opposé avant le mariage. La taille des familles palestiniennes, autrefois très étendue, s’est réduite sous l’effet des conflits et des difficultés économiques, passant d’une dizaine d’enfants par ménage à une moyenne de quatre aujourd’hui.

Accès à l’avortement

Les droits reproductifs sont un autre terrain de lutte pour les femmes palestiniennes. En Cisjordanie et à Gaza, l’avortement est strictement encadré par la loi et n’est autorisé que si la vie de la mère est en danger, excluant toute considération pour sa santé mentale. Face à cette restriction, de nombreuses femmes n’ont d’autre choix que de recourir à des méthodes clandestines, souvent dangereuses, ou de chercher à se faire avorter en Israël, où la législation est plus souple.

L’impact de l’occupation

Une fois n’étant pas coutume, l’occupation israélienne a des conséquences directes sur la sexualité des femmes palestiniennes, notamment en matière d’accès aux soins. Les checkpoints et couvre-feux compliquent les déplacements, allant jusqu’à forcer certaines femmes à accoucher aux barrages militaires faute d’accès rapide à un hôpital.

Dans un autre registre, depuis une dizaine d’années, une centaine d’enfants palestiniens, surnommés les "ambassadeurs de la liberté", sont nés grâce à la fécondation in vitro. Cette pratique, qui consiste à faire parvenir clandestinement le sperme de prisonniers palestiniens à des cliniques spécialisées, est un symbole de résistance face à la séparation imposée par l’occupation. Dans une société patriarcale qui ne tolère généralement pas les femmes seule et enceinte, cette démarche est pourtant acceptée, et les tests ADN, bien qu’interdits dans les prisons israéliennes, sont rarement demandés par les familles, convaincues de la fidélité des épouses.

LGBTQ+ : une existence niée

Les minorités sexuelles font face à une double oppression : celle de la société palestinienne et celle de l’instrumentalisation israélienne. Héritée du code pénal britannique, la loi en vigueur criminalise les relations homosexuelles masculines, passibles de dix ans de prison, bien qu’aucune condamnation n’ait été recensée.

Cependant, le combat pour la reconnaissance des droits LGBTQ+ en Palestine est également impacté par l’exploitation de ces questions à des fins politiques. Israël utilise l’image d’un "Occident sexuellement libéré" face à un "Orient oppresseur" pour renforcer son narratif colonial. Ce procédé, dénoncé par l’organisation AlQaws for Sexual & Gender Diversity, permet à Israël de se présenter comme un bastion des droits LGBTQ+, en opposition aux sociétés arabes vues comme répressives, tout en occultant les violences de l’occupation.

 

Aller plus loin

Rapports
Amnesty International, Israel: Conflict, occupation and patriarchy: Women carry the burden

Amnesty International, Israel/Occupied Palestinian Territory: ‘You Feel Like You Are Subhuman’: Israel’s Genocide Against Palestinians in Gaza

United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA), Specific risks facing women and girls in Palestine

The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH), Israeli Appropriation of Palestinian Cultural Heritage in Jerusalem

Podcasts

The Institute for Middle East Understanding (IMEU), This Is Palestine

Al-Shabaka - The Palestinian Policy Network, Rethinking Palestine

Marie, Yallah je t’emmène

Bibliographie

Fadwa Tuquan, Seule dans la nuit (وحدي مع الأيام)

Susan Abulhawa, Mornings in Jenin

Liana Badr, Les yeux du miroir (عين المرآة)

Sahar Khalifa, L’Image, le symbole (الصورة، الرمز)

Lena Khalaf Tuffaha, Running Orders | The Poetry Foundation

Sahar Kalifeh, My First and Only Love

Edward Said, Orientalism

Articles / Papers

Middle East Eye, Stealing Palestine: A study of historical and cultural theft

Emily McNutt Yue, Sexual Morality and State Projects: How Can Queer Resistance Turn the Abject into Independence?

Jason Ritchie, Pinkwashing, Homonationalism, and Israel–Palestine: The Conceits of Queer Theory and the Politics of the Ordinary

Documentaires / Reportages

Arte, Les bébés clandestins de l’Intifada (2023)

Arte, Gaza, survivre enceinte

TRT World, How did the dance known as “dabke” become a symbol of Palestinian resistance?

Fault Lines Documentary, The Killing of Shireen Abu Akleh

Filmographie

Hany Abu Assad, Omar (2013)

Ameen Nayfeh, 200 Meters (2020)

Tarzan Nasser, Gaza Mon Amour (2020)

Basil Khalil, A Gaza Weekend (2022)

Lina Soualem, Bye Bye Tiberias (2023)

Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham and Rachel Szor, No Other Land (2024)

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