Sana Afouaiz, donner la parole à celles qui sont baillonnées
À 25 ans à peine, Sana Afouaiz a fondé Womenpreneur un réseau de 10 000 femmes entrepreneures dans 20 pays. Elle a écrit un livre sur les femmes au Moyen-Orient (Invisible Women in the Middle East) et elle est également la co-fondatrice du mouvement mondial Womenquake qui questionne et critique les notions de genre. Elle est enfin conseillère aux Nations Unies sur les problématiques de genre. Du haut de son jeune âge, Sana a tout d’une grande.
Maroc
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Sana, un exemple à part à entière
Sana grandit dans le sud du Maroc, à Agadir, dans un environnement très conservateur entourée de 9 sœurs.
Autour d’elle, la femme parfaite repose sur un modèle unique : se voiler, se marier le plus vite possible, avoir des enfants, être une bonne mère au foyer. Elle a vu ses sœurs, ses cousines et ses tantes suivre ce schéma sans se poser de questions. Sana, elle, ne cesse d’interroger, remettre en question. Elle a le sentiment qu’elle peut devenir autre chose, elle ne veut pas devenir pas devenir cette femme parfaite qu’on lui dépeint. Sana lit beaucoup : de Fatema Mernissi à Nawal El Saadawi, ce sont ces autrices qui lui font comprendre ce que signifie être femme. Alors qu’elle ne se reconnaît pas en ses sœurs, elle se reconnaît dans ces féministes.
Son rêve est de partir étudier à l’étranger, découvrir de nouveaux horizons. Elle décide alors de suivre des études de sciences politiques, de communication et de governance leadership dans lesquelles elles excellent. Elle est acceptée dans une université américaine où elle décide de partir. Pour son grand-père, c’est une véritable hchouma (honte) que de laisser partir une fille seule à l’étranger. Ce n’est pas cela qui arrêtera Sana qui étudiera aux Etats-Unis, en France et au Royaume-Uni.
Sana est la preuve qu’une femme peut devenir ce qu’elle souhaite devenir et qu’elle est capable de se libérer des carcans de son entourage et de la société si elle s’en donne la volonté.
Womenpreneur, libérer la femme par l’entrepreneuriat
Sana a commencé à s’engager à travers un blog où elle dénonçait notamment l’article 475 selon laquelle un homme qui a violé une femme peut se marier à elle pour éviter la condamnation. Son blog ayant pris de l’envergure, elle a été invitée à plusieurs conférences et est devenue une figure de proue du féminisme au Maghreb.
Cette légitimité elle a décidé de la mettre à profit pour libérer les femmes des carcans de la société, en particulier au Maghreb et Moyen Orient, en créer un réseau de femmes entrepreneurs. C’est ainsi que Womenpreneur est né en en 2016. Chaque année, ce réseau de 10 000 femmes à travers 20 pays offre à 500 femmes entrepreneures un accès à de potentiels partenaires, de la visibilité et un accompagnement dans leur projet entrepreneurial.
Womenquake, régler le problème en profondeur
Parce qu’elle vient d’un environnement conservateur, Sana sait à quel point il est difficile de s’en sortir. Les femmes suivent sans se questionner les modèles qu’elles ont autour d’elles. On dit aux femmes qu’elles sont sacrées, que c’est pour cette raison qu’on la protège et qu’on la cache. « Les femmes sont un accessoire que l’on protège » lui explique son chauffeur Uber lors de sa dernière arrivée au Maroc. Autant d’idées préconçues, que Sana tente de remettre en question à travers son mouvement Womenquake.
L’objectif du mouvement Womenquake que Sana a co-fondé est justement d’interroger et challenger les normes de genre et les idées préconçues qui nous entourent. Pourquoi voit-on les femmes ainsi ? Pourquoi ces discriminations, comment les surpasser ? Womenquake est un espace de parole et de débat où l’on peut générer des idées nouvelles.
Pour Sana Afouaiz, il y a deux moyens de changer les choses : l’évolution ou la révolution. Pour elle, c’est une révolution dont les femmes ont besoin au Maghreb et au Moyen Orient.
The Invisible Women of the Middle East
Dans son livre, Sana relate l’année qu’elle a passé aux côté de femmes dans le Moyen-Orient. Après cette année, Sana s’est sentie investie de la mission de partager les histoires de ces femmes qui ont souffert et qui souffrent (viol, torture, mutilation génitale, inceste, meurtre). Elle souhaite porter la voix de ces femmes et les rendre visibles à travers son livre. Le but de cet écrit est de briser l’antagonisme de la vision qu’ont les occidentaux sur femmes du Moyen Orient et de la vision qu’on les orientaux de ces femmes : d’une part des femmes soumises et oppressées et d’autre part des femmes pures et sacrées. Sana décrit son choc lorsqu’elle découvre l’oppression des femmes sur les femmes. Sa conclusion est la même que celle de Hooks Bell : « Le patriarcat n’a pas de genre ».
Ses conseils
– Ne laisser personne limiter son potentiel, oser dire non pour soi et aussi pour les générations futures
– Être curieuse, ne pas hésiter à questionner les idées pré-conçues
– Ouvrir son esprit par la lecture
– Toujours être en quête d’alternatives nouvelles
Aller plus loin
Sana Afouaiz, The Invisible Women of the Middle East
Ses lectures :
Nawal El Saadawi, The Hidden Face of Eve: Women in the Arab World, Women at point zero and The daughter of Isis
Fatima Mernissi, Beyond the veil: male-female dynamics in modern Muslim society
Melvin Konner, Women After All
Angela Saini, Inferior Book
Theodore Zeldin, An intimate history of humanity
Cynthia Nelson, Doria Shafik, Egyptian feminist