Teguest Yilma, l’éducation à toutes épreuves

« Il n’existe aucun secteur qui soit réservé à un certain type de personne. L’éducation permet d’entraîner son cerveau, lorsqu’un cerveau a été formé, il peut faire n’importe quoi ». Novice du journalisme et de l’édition à ses débuts, Teguest Yilma est aujourd’hui la directrice d’édition de Capital, le journal anglais le plus lu en Ethiopie. Sa carrière professionnelle s’est construite de pair avec son engagement associatif et humanitaire : honorée en 2016 de la Légion d’Honneur, Teguest est la présidente de la SMLH (Section Mixte des Membres de la Légion d’Honneur). Elle est également présidente du Comité Polio Place au sein duquel elle s’est battue pour mettre un terme à la polio en Ethiopie. Un parcours et une philosophie de vie riches d’enseignements.

Ethiopie

〰️

Ethiopie 〰️

L’éducation comme maître mot

Teguest est convaincue qu’une bonne éducation, quelqu’elle soit, ouvre toutes les portes : « il n’existe aucun secteur qui soit réservé à un certain type de personne. L’éducation permet d’entraîner son cerveau et lorsqu’un cerveau a été formé, il peut faire n’importe quoi ». Il s’agit juste d’une méthodologie de réflexion, savoir étudier/lire/retenir, c’est tout ce dont on a besoin. Et cela est particulier vrai avec l’émergence d’Internet : on peut s’informer, apprendre, se former, s’adapter.

Après avoir étudié au lycée français Guebre Mariam d’Addis Ababa où elle a appris le français, Teguest a été diplômée d’un Degree in Economics de la prestigieuse université indienne Gohkale Institute of Politics and Economics à Pune. À son retour en Ethiopie, Teguest décide de suivre sa passion et de devenir professeur d’anglais au lycée français d’Addis. Après deux années d’enseignement dont Teguest garde de très bons souvenirs, elle décide finalement de changer de voie, poussée par son envie d’aventures nouvelles.

Intriguée par l’arrivée des nouvelles technologies, Teguest commence alors à travailler pour Infotech où elle vend des satellites de télévision. En 1997, l’entreprise est scindée en plusieurs chaires et Teguest crée l’une d’entre elles, SYSCOM, pour accompagner les entreprises dans leur stratégie de communication.

La création du journal Capital

En 1998, le fondateur d’Infotech décide de créer Capital, « le journal qui promeut l’économie de marché » et propose à Teguest de l’accompagner dans la création. Entre son envie de participer au lancement du tout premier journal privé éthiopien et son intérêt pour l’économie de marché, Teguest se lance dans la promotion du journal.

Un an après sa création, son partenaire décide d’abandonner le journal. Malgré son manque d’expérience en journalisme et édition, Teguest ne s’imagine pas du tout arrêter cette activité. Elle décide de faire subsister le journal quelques semaines avant de trouver une personne expérimentée qui pourra en prendre la tête. Accompagnée d’un chauffeur et de deux techniciens, Teguest se colle à la rédaction des articles, à l’édition et à l’impression : une première semaine de panique pour publier le journal le dimanche. Ces semaines s’enchaînent et Teguest peine à trouver une personne pour la remplacer. 

« Tu n’en es pas capable, tu ne connais rien au monde de l’édition », nombreux sont ceux qui poussent Teguest à abandonner. La presse ne reçoit aucun soutien gouvernemental et dans ce secteur majoritairement masculin où les parts de marché sont très faibles (peu de gens lisent la presse, encore moins en anglais), la solidarité n’est pas non plus de mise.

Et pourtant, Teguest se prend de passion pour le journalisme. C’est pour elle le moyen de faire entendre sa voix à un grand nombre, de transmettre et d’éduquer. C’est aussi le moyen de soutenir en promouvant des actions, des personnes ou des associations non lucratives.

Teguest apprend sur le tas, semaine après semaine et s’investie à 100%. Ces efforts payent, l’audience croît. Petit à petit, Teguest recrute journalistes, éditeurs et imprimeurs et crée une équipe solide : une vingtaine d’employés sont aujourd’hui sous sa supervision. Teguest s’attelle à renouveler sans cesse ses contenus et à faire preuve de la plus grande méticulosité dans les sujets choisis et dans la rédaction des articles.

Avec bientôt 20 ans d’expérience dans le journalisme aujourd’hui, Teguest a fait de Capital le journal anglais le plus lu en Ethiopie. Il s’agit aussi du site internet éthiopien le plus populaire avec 20 000 visiteurs quotidien.

Engagement humanitaire

« Beaucoup de personnes pensent qu’il est nécessaire d’attendre de faire une belle carrière pour s’engager dans l’humanitaire. Je ne suis absolument pas de cet avis, on peut investir tellement d’autres choses que de l’argent ». Et Teguest n’a effectivement pas attendu d’être à son poste actuel pour s’investir au sein de plusieurs associations.

Membre fondatrice du Rotary Club d’Addis Ababa, Teguest s’est investie dans différentes actions autour de l’éducation, de la santé ou encore de l’accès à l’eau. Au sein du Comité Polio Place dès ses débuts, elle en est aujourd’hui devenue la présidente. Elle a reçu le Regional Service Award for a Polio-Free World de la fondation Rotary en 2015-16, en reconnaissance de sa significative contribution dans l’éradication de la polio en Ethiopie et dans le monde.

Honorée en 2008 de la médaille de l’Ordre National du Mérite et de la Légion d’Honneur en 2016, Teguest est la présidente de la Section Mixte des Membres de la Légion d’Honneur en Ethiopie.

Le moteur de Teguest a toujours été d’avoir un impact pour autrui, une philosophie de vie que Teguest illustre à travers quatre questions qu’elle se pose constamment face à ses choix professionnels et personnels :
– Est-ce la vérité ?
– Est-ce juste pour tous ?
– Est-ce bénéfique pour tous ?
– Est-ce que cela impliquera bienveillance, amitié et paix ?

Précédent
Précédent

Freweini Mebrahtu, casser le tabou autour des menstruations

Suivant
Suivant

Tamara Dawit, la pop-culture éducative