Awra Amba, l’utopie qui n’en est pas une

Fondée en 1972 par Zumra Nuru Mohammad, la communauté Awra Amba a secoué le peuple éthiopien en questionnant son mode de vie. Cette communauté prône l’égalité entre hommes, femmes et enfants, et l’impose à travers des pratiques telles que le travail en coopérative, l’éducation gratuite pour tous ou le soin des personnes âgées. Une belle leçon d’humanité.

Ethiopie

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Une épopée exceptionnelle

Zumra est né en 1947 dans la région de Bahir Dar en Ethiopie. Fils de paysans, il a très tôt été envoyé aux champs plutôt qu’à l’école. Illettré, cet enfant curieux s’interrogeait constamment sur le monde qui l’entourait et sur les inégalités qu’il observait et ne comprenait pas. Pourquoi sa mère s’occupait-elle de toutes les tâches domestiques ? Pourquoi les enfants étaient-ils battus ? Pourquoi ceux qui étaient dans l’incapacité de travailler se retrouvaient à mendier dans la rue ? Pourquoi y avait-il tant de vols, de mensonges et de meurtres ?

A 13 ans, lassé de toutes ces questions, il quitta le foyer familial de son propre chef. Il passa des années à prêcher ses idées progressistes la journée et à dormir dans la forêt la nuit. En 1972, il convainc 19 familles de la région (toutes illettrées) de se rassembler et s’établir à Awra Amba, un chef-lieu de la région, en se regroupant sur 50 hectares de terrain.

La communauté se forme et vit au jour le jour les idéaux de Zumra. En 1989 cependant les membres découvrirent qu’un projet d’assassinat visait Zumra. Tous sont partis au milieu de la nuit pour sauver leur leader, et ont été condamnés à errer sur les routes du nord du pays. Une vingtaine d’entre eux moururent de faim ou de maladie.

Après ces années d’errance, le groupe retourne à Awra Amba en 1993, mais voit ses terrains occupés par ses adversaires. Après des années de lutte acharnée et de tractations avec le gouvernement, le groupe ne récupère que 17,5 hectares sur les 50 initiaux.

Désormais la communauté compte 535 membres, tous de culture, religions et ethnies différentes (quoique majoritairement musulmans).

Un mode de vie aux antipodes des traditions éthiopiennes

Femmes et enfants sont sur un pied d’égalité avec les hommes. Leurs droits sont strictement respectés. Mariages précoces ou arrangés sont interdits : les filles se marient à partir de 19 ans, les garçons 20 ans. La contraception est fortement encouragée.

Tous les enfants vont à l’école et leurs frais sont payés par la communauté. En conséquence l’intégralité des habitants du village savent lire et écrire (fait exceptionnel dans un pays où l’analphabétisme touche 2/3 de la population).

Un comité distribue les tâches à chacun selon ses capacités et surtout selon les besoin de la communauté. Les différents métiers sont le tissage, la meunerie et le commerce. Le fonctionnement est celui d’une coopérative : tout le monde a le même salaire, et les revenus sont distribués équitablement à la communauté une fois par an. Un jour par semaine est consacré aux personnes âgées, aux malades et à l’entretien des locaux. Un infirmier est payé à plein temps par la communauté.

Le système politique est celui d’une Assemblée Générale tenue deux fois par an avec vote à main levée par des élus aux mandats de 3 ans. Les décisions les plus importantes sont soumises au vote de l’ensemble des adultes.

Il est interdit de mentir, de voler, de jurer, de se disputer, de mendier, de boire de l’alcool, de fumer, de prendre du café, d’avoir des relations sexuelles avant le mariage.

Finalement en termes de religion, les membres ne se réclament d’aucune croyance. Ils obéissent cependant au même dieu créateur et pensent que l’humanité a été créée à partir d’un couple initial, Adam et Eve (pas d’évolution des espèces donc). Ils ne croient pas à la vie après la mort.

Ce qu’on en pense

Le pouvoir de conviction d’un homme, Zumra, force le respect. Du haut de ses 20 ans, il a su convaincre 20 familles de le suivre dans un projet complètement novateur pour un pays comme l’Ethiopie. Il était habité depuis sa plus petite enfance par des idéaux égalitaires forts et a su leur donner une forme pratique en créant une communauté à son goût.

La prestation est d’autant plus impressionnante qu’elle ne vient pas d’un groupe avec des moyens financiers. La communauté est très pauvre, et pourtant trouve le moyen de se forger une vie exemplaire d’équité et de justice. La dignité et la serviabilité des habitants du village sont à saluer et admirer.

La question principale que nous avons reste seulement le futur de la communauté Awra Amba. Après Zumra, les idéaux resteront-ils ancrés dans la vie du village et respectés par la communauté ? A notre avis, le personnage de Zumra Nuhu Mohammed a été mythifié au point d’accéder au statut de légende, dont l’histoire est racontée de génération en génération pour expliquer le passé de la communauté et l’importance de perpétuer le travail qu’il a accompli. La communauté devrait avoir de longs jours devant elle, si elle trouve le moyen de se développer hors de 17 hectares qu’elle a conquis.

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