Florentine Djiro, combattre l’immigration clandestine
Florentine Djiro est la présidente et fondatrice de l’ONG Realic, Réseau Ouest-Africain de Lutte contre l’Immigration Clandestine. Cette association a obtenu le prix d’excellence de la meilleure organisation de volontariat pour sa lutte contre l’immigration clandestine, à travers la sensibilisation, le soutien et la formation des jeunes ivoiriens.
Côte d'Ivoire
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De la radio à l’associatif
Je suis née à San Pedro, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. J’ai grandi au sein d’une famille nombreuse, avec 12 frères et sœurs, de mères différentes. C’était un environnement de véritable partage, de communauté. J’ai eu la chance d’être scolarisée, comme tous mes frères et sœurs d’ailleurs, et j’ai eu mon bac en 2000, juste avant la crise électorale. Pour me former, j’ai pris des cours du soir en communication, puis des cours par correspondance pour apprendre le métier de productrice. A l’époque, l’informatique, c’était du luxe.
En 2003, j’ai fait mes premiers pas à la radio communautaire de San Pedro, qui était destinée aux communautés rurales à l’époque. Puis en 2008, mon diplôme d’animation, production et journalisme en poche, j’ai été retenue par les Nations Unies pour être correspondante régionale à la radio : j’y traitais de tout ce qui était en lien avec les processus de paix, de consolidation, de recherche… La radio s’appelle désormais Radio de la Paix, et bénéficie du soutien de la fondation Houphouët-Boigny.
L’aventure Realic : une évidence
9 ans de radio plus tard, j’ai décidé de me lancer et fonder mon association Realic, Réseau Ouest-Africain de Lutte contre l’Immigration Clandestine. C’était parti d’un reportage qui m’avait pris aux trippes : il décrivait le parcours des migrants depuis Agadez au Niger jusqu’en Libye, pour tenter de rejoindre l’Europe. Comme nous faisons partie de l’espace de libre-circulation de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), il est extrêmement difficile de gérer les flux migratoires. Les chiffres font froid dans le dos : en Libye, l’OIM dénombrait entre 700 000 et un million de migrants dont 14 500 ivoiriens. Les femmes sont de plus en plus nombreuses parmi les migrants, celles qui tentent l’aventure sont systématiquement victimes de viols.
J’ai investi toutes mes économies, et constitué une équipe de bénévoles pour fonder Realic. Mon but était de pousser les jeunes à rester dans leur pays et ne pas se lancer sur le chemin de l’immigration clandestine. Comment ? Par de la sensibilisation dans les lycées, du coaching pour les aider à trouver du travail, de l’orientation. L’idée, c’est de susciter des vocations chez les jeunes ivoiriens et leur donner les outils pour les poursuivre. Nous sommes désormais 60 personnes, dont 50 sur le terrain.
Nous ciblons plusieurs régions spécifiques : Daloa, Soubré (foyer de main d’œuvre pour les plantations de cacao, qui n’offrent cependant qu’un travail périodique), Anyama, Bouaké… Ce sont des foyers de départ, que ce soit à cause d’un manque d’infrastructures ou de perspectives économiques dignes. C’est aussi dû à un manque d’adéquation entre les diplômés ivoiriens et les besoins du marché. Le paradoxe est là : la Côte d’Ivoire est un pays plutôt stable, avec une croissance à deux chiffres, et pourtant c’est un foyer de migration clandestine.
Un combat essentiel
Nous avons eu le prix d’excellence de la meilleure organisation de volontariat en Côte d’Ivoire, ça nous aide beaucoup au niveau de la visibilité. Notre souhait pour les prochaines années, c’est réellement mettre chaque acteur face à ses responsabilités quant au drame qui se déroule en ce moment en mer Méditerranée. On essaie de changer les mentalités, de déconstruire la perception selon laquelle l’Europe, c’est l’Eldorado.
J’apporte ma petite pièce à l’édifice pour tenter d’améliorer le quotidien de mes concitoyens, et c’est mon unique conseil : il faut se lancer !