Géraldine Robert, une joueuse de basket pas comme les autres

Le mystère Géraldine Robert… Son parcours est plutôt atypique : de la danse classique au volleyball en passant par l’athlétisme, Géraldine s’est retrouvée basketteuse professionnelle un peu par hasard. Élue meilleure joueuse de basket de la ligue féminine française en 2013, elle ne sera pourtant jamais sélectionnée en équipe de France. À 39 ans, Géraldine annonce sa retraite mais n’en finit pas d’oeuvrer pour le basket puisqu’elle s’est fixée le défi de former la nouvelle génération de basketteurs gabonais grâce à son association Yemaly. À quand la prochaine Géraldine Robert ?

Gabon

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Gabon 〰️

Je suis née d’un père français et d’une mère gabonaise. J’ai vécu dans la plus belle ville du monde, à Port-Gentil, et j’ai passé tous mes étés en France. J’ai vraiment été bercée par les deux cultures. J’ai eu une très belle enfance baignée dans l’amour de mes parents qui m’ont soutenue, épaulée et encouragée. Je n’ai jamais eu de grands rêves, j’étais comme tout le monde, je voulais simplement une vie tranquille : gagner de l’argent, avoir un mari et des enfants. Mon seul rêve était de rendre mes parents fiers.

Celle à qui tous les sports réussissent

Je commence le sport à sept ans environ. Je me mets d’abord à la danse classique mais j’arrête rapidement car j’ai des grands pieds. Et oui, je mesure 1,84 mètre aujourd’hui. Je me mets ensuite à l’athlétisme, je suis plutôt douée. Je pense toujours détenir le record gabonais du 100 mètres aujourd’hui. Ma mère m’a d’ailleurs dit que dès que j’ai su marcher, je courais. « Lorsqu’on te demandait d’aller chercher le beurre à la cuisine, tu y allais en courant ». Mais je ne suis pas vraiment faite pour le sport individuel, je n’aime pas être seule sur la ligne de départ. Pour moi, le sport c’est fait pour se faire des amis et être en groupe. Je commence donc à faire du volley-ball et j’adore ça. Malheureusement, lorsque je rentre dans ma cité, il n’y a pas de terrain de volley-ball. Plutôt que de ne rester à rien faire, je décide de rejoindre mon petit-frère et ses amis sur le terrain de basket. C’est mon frère qui m’enseigne mes premiers pas, mes premiers dribles. C’est lui qui m’a fait prendre goût à ce sport.

Une destinée de joueuse de basket professionnelle

A 18 ans, je pars seule à Besançon, en France. Autant vous dire que de passer de Port-Gentil où je passais tous mes weekends à la plage, au froid du Doubs, ce n’est pas chose facile. Je souhaite m’inscrire en volleyball mais les heures ne concordent pas avec mon emploi du temps, je me retrouve donc à faire du basketball. Le club de Besançon joue en nationale 2 (3ème division). Je décide ensuite de rejoindre ma meilleure amie à Londres pour continuer mes études et trouver un petit boulot. J’y fais une licence d’analyste programmeur, je travaille au McDo et très vite j’ai mon premier enfant à 20 ans. Il me faut tout gérer très tôt.

Je joue de temps en temps au basket avec des amis et un jour, je me fais repérer sur un terrain de basket. On me propose de venir m’entraîner dans le meilleur club du Royaume-Uni en vue de jouer le championnat d’Angleterre. Je fais de très bonnes statistiques au championnat et le seul club anglais à participer à la Coupe d’Europe me propose de les rejoindre. Je n’en reviens pas, je n’y crois pas trop. Je les préviens d’ailleurs que je ne serais pas capable de m’entraîner tous les jours. Ils acceptent et j’organise mon temps entre Londres et le Pays de Galles où je m’entraîne tous les weekends. A nouveau, je fais de très bonnes statistiques en Coupe d’Europe. C’est là que mon ascension continue. Cathy Melain, l’une des meilleures joueuses française de basket, m’approche à la fin d’une partie et me présente son agent. C’est à moment-là que je réalise que je peux faire du basketball ma carrière.

Un parcours atypique

Je pars en France avec mon fils où je fais mes débuts de basketteuse professionnelle dans le club de Strasbourg. Alors que j’avais l’habitude de gagner tous mes matchs au Royaume-Uni, la saison est calamiteuse pour le club alsacien l’année de mon arrivée. On ne remporte qu’un seul match de toute la saison et on finit reléguées en NF1. Pourtant, je suis retenue par Alain Jardel pour participer à la préparation de l’équipe de France en vue du mondial brésilien. Je ne passe pas les sélections finales et n’intègre donc pas l’équipe de France. Je fais quand même quelques matchs amicaux et c’est vraiment incroyable pour moi de revêtir ce maillot de l’équipe de France. Je deviens professionnelle à 24 ans là où d’autres le deviennent à 19 ans. Quand on est professionnelle, on ne peut rien faire d’autre à côté. Jusque-là je n’avais jamais considéré le basket comme mon boulot, je l’ai toujours pris comme un jeu, un amusement. C’est assez fou d’arriver dans un milieu où la plupart des filles ont été conditionnées depuis très jeunes à devenir des professionnelles. Elles sortent toutes d’années de centres de formation alors que moi je ne suis jamais passée par-là et je n’aurais jamais pu imaginer en arriver là.

Je rejoins ensuite le club de Villeneuve-d’Ascq qui se classe à la 3ème place du Championnat de France. Je suis une nouvelle fois sélectionnée pour la préparation de l’équipe de France en vue du championnat d’Europe 2007 en Italie, mais non retenue. Je participerais une troisième fois à la préparation de l’équipe de France, en vain. C’est un petit regret pour moi. Même si je ne comprends pas le choix du sélectionneur, je le respecte.

Ma plus grande victoire est en dehors du terrain : c’est d’avoir rendue mes parents fiers. Quand j’ai été décorée de l’ordre national du mérite au Gabon, je n’avais pas de mot pour décrire le regard que j’ai vu dans les yeux de mes parents. Sur le plan sportif, ma plus belle victoire est d’avoir gagné le championnat de France en 2014. J’avais déjà commencé mes camps de baskets au Gabon et j’étais vraiment très fière du retentissement que cette victoire pouvait avoir sur les jeunes au Gabon. Le titre de meilleure joueuse française en 2013 aussi, je ne m’en rendais pas compte jusqu’à ce que je lise le post Facebook de mon fils : « Tu m’as eu, tu es sortie de nulle part, on t’a toujours boycotté en équipe de France et aujourd’hui tu es la meilleure joueuse du championnat devant toutes ces filles qui sont en équipe de France, je suis tellement fier de toi ». C’était une jolie prise de conscience du chemin parcouru.

En 2015, j’ai participé à l’Afrobasket en tant que capitaine de l’équipe nationale des Panthères. J’étais très fière de représenter mon pays. Nous nous sommes hissées en quart de finales, une jolie performance. J’ai été élue parmi les cinq meilleures joueuses du tournoi, une grande fierté également.

Des sacrifices

Il y a des mauvais côtés à être sportif de haut niveau. Les gens ne voient que le glamour mais il ne faut pas oublier que pendant neuf mois, tu es toute seule entre quatre murs. Je n’ai pas vu grandir mon enfant. Il est parti en centre de formation pour faire du basket, aujourd’hui il est en pôle espoir, si tout se passe bien il deviendra bientôt professionnel. L’année dernière, il jouait en France mais je n’ai pu assister qu’à un seul de ses matchs car nous jouions bien souvent au même moment. Le fait de ne pas le voir grandir et évoluer, c’est difficile.

Tu n’as pas vraiment de vie à côté du basket. Notre corps c’est notre outil de travail. Tu ne peux pas faire de folie. En neuf mois de préparation, tu sors trois fois tout au plus. C’est difficile d’avoir un petit-ami, de fonder une famille, de se poser à un endroit.

Ce n’est pas commun de continuer si tard, jusqu’à 39 ans. Mais j’ai aussi une hygiène de vie très saine : alimentation équilibrée, je ne bois pas, je ne fume pas. J’ai aussi de la chance morphologiquement, je ne grossis pas. C’est pourquoi que j’ai cette longévité. Je veux arrêter pour encadrer mon fils et m’asseoir quelque part pour fonder ma famille. Je veux me concentrer sur mes projets personnels et associatifs.

Yemaly, « lorsqu’on a un pouvoir, on a un devoir »

Une amie me disait : « Quand tu as un pouvoir, tu as aussi un devoir ». Et je pense que j’ai un petit pouvoir. Je suis la seule joueuse gabonaise à avoir joué à ce niveau et j’aimerais voir plus de Géraldine Robert au Gabon. Je me suis fixée un devoir : celui de propulser les jeunes pour qu’ils puissent faire carrière. Au Gabon, le basket est en perdition. Le gouvernement a dû faire face à la crise économique et le football est davantage favorisé. Depuis 2015, il n’y a plus d’équipe nationale et plus de championnat. A mon noble niveau, j’ai envie d’encourager les jeunes à faire du basket. C’est ma façon de rendre à mon pays.

C’est pourquoi j’ai créé Yemaly. Chaque année, nous organisons des camps de baskets gratuits partout à travers le Gabon. On forme aussi des coachs de basket sur place pour pérenniser les entraînements. Au-delà des entraînement, on inculque des valeurs aux jeunes. On les encourage à privilégier leurs études, notamment en leur offrant des packs scolaires. On œuvre également pour l’émancipation des femmes en organisant des ateliers de discussion avec des jeunes filles, notamment pour discuter de la sexualité, un sujet encore tabou dans les foyers gabonais. Ma future ambition est de créer une académie à Port-Gentil pour former les jeunes.

Désormais, j’ai plus de 1500 enfants qui me suivent et je veux être un exemple pour eux. Ce que je retire de mon parcours c’est que lorsqu’une opportunité se présente, il faut la saisir. Quand on veut réussir quelque chose, il faut s’y mettre à fond et beaucoup travailler. Devenir joueuse professionnelle, ça m’est un peu tombée dessus. Mais j’ai cravaché ! Je suis arrivée dans un milieu où les filles faisaient du basket depuis 12 ans. Je n’avais pas un basket académique et j’ai travaillé très dur pour rattraper mon retard. Il y aura des hauts et des bas mais il ne faut rien lâcher.

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